Chapitre 28 - Bejörk

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La nuit tombait sur la ville, suivant la pluie qui avait cessé de déverser son flot sur les toits des maisons et avait chargé l'air d'un parfum humide. La ville s'était calmée, les enfants étaient rentrés pour dîner et les commerces s'éteignaient les uns après les autres.

C'est à l'écart du sommeil gagnant Wakeford que John revint à lui, dans un lieu qui ne lui était guère familier. Il y régnait une odeur d'humidité, de paille et de fer. Tout autour de lui était construit en bois et peint d'une unique couche écaillée. Il sentit son corps assis contre le sol, main tendue vers l'arrière, jointes, dans une position des plus inconfortables. Littéralement pieds et poings liés, il s'attelait à remuer quelque peu pour s'éclaircir les idées et détendre les muscles endoloris de son corps. Une silhouette bougea, dans l'ombre, sans qu'il ne puisse la reconnaître. Elle n'était pas seule, mais aucun ne prononçait quoique ce soit. Néanmoins, il avait bien une petite idée de qui avait pu le mettre dans ce pétrin.

Il comprit rapidement ce qui l'avait réveillé. De l'eau coulait à plusieurs endroits le long de son corps et un seau vidé, mais encore mouillé était déposé tout près.

Le bois autour de lui grinça lorsqu'une bourrasque passa et la vieille lampe à huile suspendue à un crochet vacilla.

- Tout ce dont il a besoin pour prendre le contrôle, c'est un contact physique, murmura la voix d'un jeune homme dans l'ombre.

- Oui, c'est bon, j'ai compris. Je garde mes distances, râla la voix familière et étranglée avant de tousser.

Annabelle avança dans la lumière, le regard glacial et les poings serrés. Un hématome sombre apparaissait dans son cou. Elle ne cherchait pas à le cacher. Il fallait qu'il le voie.

Plus en arrière, deux silhouettes conservaient leur distance. De toute évidence pour John, il se trouvait dans une grange, certainement celle des Walker. Le domaine se trouvait non loin de la ville, mais assez pour être tranquille et ne pas attirer les regards indiscrets.

Il lâcha un long soupir gémissant et posa sa tête contre le poteau qui le retenait captif. Une personne s'approcha un peu plus, il en aperçut tout d'abord l'inhibiteur, toujours accroché à son poignet, son fardeau. De sa position, John pouvait voir apparaître tous les tatouages couvrant ses bras, ses doigts, longeant sa clavicule ainsi que la tête de l'oiseau terminant sa pointe sous son menton. Ses yeux clairs le transperçaient de toute sa fureur.

Cerné, l'homme demeura impassible, mais toujours sur ses gardes.

- Tu imagines que nous ne sommes pas là pour enfiler des perles, prononça avec difficulté la voix d'Annabelle, toujours enrouée.

- Le contraire m'aurait étonné, fut les premiers mots qu'il lui adressa depuis des semaines.

En remuant très légèrement, il sentit une douleur aigüe sur son torse, un reste des coups portés par son interlocutrice. Elle y avait mis toute sa force – l'énergie d'une désespérée.

- T'as essayé de me tuer, prononça difficilement la jeune fille.

- En effet, confirma l'homme en hochant la tête.

- Pourquoi ?

- Tu le sais.

- Non.

Il voyait ses prunelles s'assombrir et les larmes monter. Elle était en colère, mais tout aussi effrayée. La terreur s'était emparée d'elle dès l'instant où il avait fait la première tentative, jusqu'à ce qu'elle mette la main sur son secret, et celui de sa protégée.

- Tu confirmes que l'enfant n'est pas de toi, n'est-ce pas ?

Il ne prononça rien, mais son regard répondit pour elle. Tout ce qu'il partageait avec Aurélia n'était que la maison qui l'abritait.

Annabelle Storm - L'héritière d'OrgantiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant