Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia

Chapitre 19 - La comptine des Dafraechnir

Pour toutes réponses à sa question, Jude s'était levé, les mains tremblantes, pour les amener à son col. Le rouge monta aux joues de la jeune fille qui le vit retirer les deux couches de vêtements couvrant son torse. Il était bien plus svelte qu'elle ne l'avait imaginé et sur son poitrail elle contempla les lignes, fines comme épaisses, esquissant les contours d'un oiseau de feu dont les ailes s'étendaient sur ses épaules. C'était un véritable chef d'œuvre qu'il gardait caché sous ses vêtements, pour ne les exposer qu'à lui-même.

Ajoutés à celui-ci, une autre multitude de tatouages parcouraient son corps pour ne laisser que très peu de blanc. Des dessins et symboles définissaient sa personnalité. Ils représentaient le fruit de plusieurs années à l'extérieur à découvrir le vaste monde d'Organtia. Des souvenirs de voyage.

Il se retourna pour exposer son dos, presque aussi recouvert que l'autre côté. Mais un détail vint attirer son regard. Un peu plus bas, au creux d'un de ses reins, apparaissaient de sombres lignes familière. Il lui suffit de retourner l'image mentalement pour reconnaître ce même symbole qu'elle voyait régulièrement dans la glace. Tous deux étaient marqués. Mais sa question demeura la même.

- Tu ne sais donc pas ce que c'est ? demanda Jude en enfilant son t-shirt.

Béate, elle se contenta de secouer la tête.

- Étonnant, souffla-t-il en se posant de nouveau sur la table basse. On n'arbore pas cette marque sans connaître sa valeur.

- Je dois être l'exception qui confirme la règle.

Un nouveau sourire sembla apparaître aux yeux d'Annabelle. Ainsi donc ce garçon semblait capable d'exprimer de la joie.

- Alors Thomas avait raison, conclut-il. Tu es dépourvu de connaissances de notre monde.

Cela semblait être une pique. Annabelle frissonna et dut admettre son ignorance. Elle ne connaissait que les bases de ce qui régissait ce monde. La langue et les symboles ne comptaient pas parmi ses maigres savoirs, elle le déplorait.

- Cette marque est-elle répandue ? osa-t-elle demander, le rouge lui montant aux joues.

- Aussi répandue que des Organtiens à Wakeford, répondit-il avec une décontraction qu'elle découvrait en lui.

Il se voûta légèrement et frotta ses mains l'une contre l'autre, pensif.

- Cette marque est bien singulière par sa signification et sa provenance. Peu de personne sont autorisées à la déposer sur quelqu'un. Toutes personnes essayant de l'imiter courent à sa perte. Elle a quelque chose de sacré.

- J'ai du mal à te suivre.

- Cette marque ne peut être apposée que par un membre des Dafraechnir. Et encore, tous ne le peuvent pas.

- C'est qui ceux-là ?

- Des assassins, répondit-il sans ciller le moins du monde.

Sa réponse laissa Annabelle bouche-bée. Il avait répliqué comme si rien n'était étrange dans ce mot qui avait franchi ses lèvres. Il la faisait frémir, imaginant un instant qu'une personne de la sorte avait pu la toucher, ou du moins effleurer sa peau. Elle chercha au travers de ses yeux la moindre once de plaisanterie, quoique ce soit qui pourrait démentir ses propos. Mais il demeura aussi sérieux que possible.

- Tu me fais marcher ? réprouva-t-elle.

- Je ne vois pas pourquoi je te ferais une plaisanterie. Mais à voir ta tête, je comprends que tu n'étais pas préparée à une telle éventualité.

- Oh, ça non !

Elle s'était levée d'un seul coup, ayant un besoin pressant de prendre l'air. Ignorant le regard interloqué du jeune homme, elle se dirigea vers l'entrée de la maison et ouvrit la porte en grand pour laisser un air nouveau emplir ses poumons. Une brise printanière souleva une mèche de cheveux et vint chatouiller sa peau. Prise d'un besoin de sortir, elle descendit quelques marches et s'y assied, les genoux rabattus contre sa poitrine. Jude ne tarda pas à la rejoindre, les mains dans les poches. Il concevait son besoin de prendre sur elle et d'assimiler doucement les choses. Quelques minutes passèrent durant lesquelles ils observèrent un silence religieux. Puis, une fois son rythme cardiaque apaisé, la jeune fille déclara être prête à l'entendre.