Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia

Chapitre 24 - Un semblant de famille

Depuis son retour à Wakeford, Annabelle n'avait pas encore remis les pieds au café, l'un des seuls endroits où elle se sentait bien, dans son élément. Mais dès lors qu'elle eut franchi l'entrée avec le tintement de cloche si familier, une boule se forma dans son ventre, sentant tous les regards se tourner vers elle.

« Il y a des choses qui ne changent pas », songea-t-elle en levant les yeux au ciel.

Son regard se porta ensuite vers le comptoir où elle constata l'absence de George. Se moquant royalement des règles, elle contourna le comptoir et prépara sa propre boisson : un café frappé à la cannelle. Rien de tel pour tenir la fin de la journée après une nouvelle nuit d'insomnie.

Mais tandis que le café coulait dans le mug, la voix familière de son oncle lui parvint. Elle se tourna et s'approcha de la remise d'où provenait la conversation. Curieuse, elle prêta une oreille indiscrète à la conversation houleuse que semblait entretenir le trentenaire.

- Oui, je sais bien que ça fait longtemps, mais je n'avais pas prévu qu'elle rentre... Ne t'en fais pas, maman, on peut trouver un moment... Pourquoi tu tiens tant à ce qu'elle ne soit pas là ? La dernière fois, elle s'est abstenue de te faire des remarques... Au pire, ignore-la...

« Grand-mère Éloïse devait donc passer », comprit Annabelle en soupirant. Elle conclut également que son retour avait également bouleversé les plans de réunion de famille. Si George n'était pas la personne la plus chaleureuse à son égard, Éloïse Fletcher était à côté un véritable iceberg. À chaque visite, la jeune fille avait le droit au même discours haineux et aux piques sur son attitude. En véritable bornée, elle prônait constamment son opinion sur le sujet Organtia, notamment sur « les erreurs de la nature » que pouvait être les Classés.

Il était donc prévu qu'elle rende visite à son fils bien-aimé durant l'absence d'Annabelle et la discussion qu'ils avaient au téléphone indiquait qu'elle avait changé d'avis.

Elle entreprit donc d'achever tranquillement la préparation de sa boisson et attendit l'entrée en scène de son tuteur.

- Tu es là depuis longtemps ? demanda-t-il en ajustant son tablier autour de sa taille.

- Assez pour savoir que grand-mère ne me mettra jamais sur son testament.

George soupira d'agacement et se pinça l'arête du nez.

- Tu as tout entendu ?

- Parce que tu te poses encore la question ? se moqua-t-elle en sirotant son café.

- Pas ce ton-là avec moi, jeune fille ! intima le trentenaire en fronçant ses épais sourcils.

- Seulement quand tu arrêteras de me faire passer pour le mouton noir de la famille.

- De quoi tu parles ?

- Tu ne me défends jamais. Avec Éloïse, je passe toujours pour la tâche sur la nappe. Ça fait longtemps que je me suis faite à l'idée qu'elle ne m'aimera jamais, mais au moins soutiens-moi un minimum et ne me fais pas passer pour une ado incorrigible.

- Elle ne te déteste pas, Anna...

- Oh que si ! insista la Croisée. Et tu sais pourquoi ? Parce que je lui évoque deux personnes qui ont brisé son joli portrait de famille. Maman et celui qui l'a engrossé.

Une migraine la gagna et elle se tut sans pour autant décoller son regard de George. Il ne trouva rien à redire, parce qu'elle avait raison. Combien de fois s'étaient-ils disputés à cause de ça ? Il avait arrêté de compter depuis des années. Il avait vu la rengaine de sa propre mère grandir au fil des années. Plus Annabelle ressemblait à Meryl et plus elle la rebutait.