Chapitre 33 - Les apparences trompeuses (1)

1.5K 196 10
                                    

La chaleur de la peau contre la sienne l'apaisait et le bercement de ses pas l'aidait à trouver le repos. Rien que sa présence était le remède le plus efficace contre l'angoisse et pour rien au monde elle n'aurait voulu se trouver ailleurs. Lentement, elle se sentit tomber, plutôt coucher dans un lit moelleux, confortable, jusqu'à ce que de douces lèvres ne viennent se déposer sur son front puis une main caressa ses cheveux d'un geste empreint d'amour. Elle entrouvrit un œil et observa le visage de son père lui sourire, chantant une comptine qu'elle connaissait par cœur tant elle l'avait entendu. Que sa voix était mélodieuse et pleine d'harmonie. Un sourire étira ses petites lèvres et son père comprit alors qu'elle ne dormait pas.

- Encore une fois, supplia-t-elle en tendant le bras vers lui.

- Ma petite Anna, ce n'est pas joli de réclamer.

- Une dernière fois, s'il te plaît.

Il ne résista pas à sa petite moue et recommença son chant, mimant l'histoire de gestes et attrapant une peluche pour attirer son attention. Puis, quand il termina, il vint embrasser ses joues puis son front. L'odeur de cannelle qui lui était propre était le meilleur des remèdes pour trouver le sommeil. Sans lui, elle trouvait les nuits longues et monotones, cherchant la fatigue dans les étoiles visibles au-dessus de son lit.

Et soudain, le calme survint. L'ambiance dans la chambre n'avait plus rien de familier, ni de rassurant. Ce fut même une autre pièce qui apparut aux yeux de la jeune fille. Elle voyait son reflet dans un miroir. Une seconde plus tôt, elle était redevenue cette fillette innocente et elle faisait à présent face à un visage fatigué, les yeux creusés d'insomnies et la peau maculée de tâches. Elle n'aimait pas ce reflet. Il ne représentait pas ce qu'elle voulait être, ce qu'elle souhaitait démontrer. La migraine revint, plus forte qu'avant, lui dévorant la tête comme des vers grandissant dans son cerveau pour se repaître de sa chair. Elle hurla sa douleur, sa main enfoncée dans ses cheveux. Son corps s'écroula, mais le miroir lui faisait toujours face et lorsqu'elle se permit un nouveau regard devant elle, son reflet redevint celui de cette enfant si petite. Le mal de tête passa et elle remarqua qu'elle n'était pas le reflet, que le miroir n'était plus et qu'elle faisait face à son propre passé. La fillette pleurait à chaudes larmes et lorsque l'instinct d'Annabelle lui dicta de la prendre dans ses bras, elle se heurta à un mur invisible. La paroi semblait inexistante pourtant elle l'empêchait d'avancer, malgré les coups qu'elle donnait du plat de la main.

Sous ses yeux, elle voyait les ténèbres grandir derrière l'enfant, prêts à la happer et cette fois elle lui hurla d'avancer, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Ses mains martelèrent la paroi, la suppliaient de céder, imploraient sa bonne foi sans jamais entendre une réponse. La fille continuait de pleurer, ne voyant visiblement pas l'aide qui s'offrait à elle. Annabelle sentit sa poitrine se tendre de douleur et elle tomba à genou, impuissante et désemparée. L'ombre évoluait encore, imposante, telle une tumeur grandissante. Elle pleurait elle aussi en maudissant sa faiblesse et hurla encore plus sa rage lorsque l'enfant disparut dans la fumée, emportant avec elle ses pleurs.

* * *

Annabelle fut surprise de sentir une main la réveiller. Elle s'était assoupie un long moment, dans sa voiture, venue recharger son portable. Sortir de la clinique lui avait permis de relâcher la pression de cette journée et la prise régulière de médicaments lui donnait des coups de fatigue assez imprévisibles, mais toujours réparateurs. Elle s'étira, ouvrit un œil avec grand peine et laissa le temps à sa vision de s'ajuster tandis qu'une silhouette familière se tenait devant elle.

- Allez ! Réveille-toi ! la somma Thomas dont le timbre de voix n'avait rien de rassurant.

Elle se redressa d'un coup, mais la position inconfortable qu'elle avait prise dans sa voiture lui avait laissé une sensation désagréable dans le bas du dos.

Annabelle Storm - L'héritière d'OrgantiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant