Chapitre 29 - La mémoire dans la brume (2)

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Courir. C'était la seule chose qu'Annabelle avait trouvé pour décompresser. Elle était partie se défouler dans les bois en suivant les sentiers, sans se fier aux poings de cotés qui lui martelaient le ventre. Ses cheveux attachés en queue de cheval fouettaient sa nuque et son t-shirt maculé de sueur commençait à coller aux pores de sa peau. Mais elle ne comptait pas s'arrêter. Pour penser à autre chose qu'à la migraine qui ne s'estompait et les mots de John, ou plutôt Bejörk, elle laissait les muscles de ses cuisses la guider jusqu'à l'épuisement.

Sur sa tête elle avait également connecté son casque à une playlist qu'elle avait déjà nommé « défouloir » il y a des années. Il n'y avait que la voix rocailleuse d'un chanteur punk pour l'aider à se sentir mieux. D'ordinaire, elle se savait incapable de parcourir une telle distance sans diminuer sa foulée, mais la caféine inhibait complètement les signes de fatigue. Même lorsqu'elle fit demi-tour et revint sur la route principale qui menait à la banlieue elle envisagea de recommencer.

Cependant, en entrant dans sa rue, elle remarqua un véhicule qui lui était familier, stationné devant la maison de sa voisine si secrète.

Elle freina sa course, à quelques dizaines de mètres de l'arrivée, baissa son casque sur ses épaules et se pencha en avant pour reprendre son souffle, accrochant ses mains à ses genoux. Là, elle sentit l'air s'engouffrer dans sa gorge jusqu'à avoir l'impression qu'on y introduise quelque chose de rugueux. Elle se redressa, plaça ensuite ses mains sur ses hanches pour pouvoir porter de nouveau son regard sur cette voiture. Elle avait cette terrible sensation de déjà-vu qui la perturbait.

Ce n'était pas un modèle récent, mais étant donné que la majorité des habitants possédaient une voiture de type berline comme celle-ci, il lui était difficile de discerner à quel moment elle avait pu avoir affaire à ce véhicule.

Elle s'approcha non sans crainte et jeta un œil plus précis vers l'habitacle, mais elle se raidit soudainement en entendant la porte d'entrée s'ouvrir et elle ne trouva pas pire comme réflexe que de se pencher et de trouver cachette derrière la voiture. Son cœur s'emballa contre sa cage thoracique et elle pesta contre elle-même devant son manque de jugeote.

Derrière elle, deux voix féminines discutaient sur le pas de la porte et Annabelle jura connaître celle qui accompagnait Aurélia. C'est alors qu'elle comprit à qui appartenait la berline.

- Merci Galys, et repasse quand tu veux, perçut Annabelle derrière elle.

La jeune fille retint son souffle. La mère de Cemalis connaissait Aurélia et venait de lui rendre visite, et à en juger par son ton, elle la connaissait assez bien. Elle releva lentement la tête et observa la petite femme aux cheveux aussi rougeoyant que ceux de sa fille approcher du véhicule. Cemalis était à peine plus haute que sa mère, mais elle avait toute deux des traits physiques de et de caractère très proche. Galys avait également de grands yeux bleus, mais son visage se voulait moins rond et ses joues s'affaissaient quelque peu avec l'âge. La jeune Croisée avait eu plusieurs fois l'occasion de rencontrer la femme d'un âge mur qui pétillait d'une joie de vivre non dissimulé mais dont le sang-chaud avait le don de la faire rapidement changer d'humeur. Veuve depuis quelques années, elle n'éprouvait pas le besoin de refaire sa vie et consacrait son énergie à rendre sa fille heureuse, même cela impliquait parfois de quitter son chez-soi et de s'introduire dans une ville qui ne voulait pas d'eux.

Galys était sans doute celle qui avait eu le plus de mal à s'intégrer. L'écho de sa blessure par balle avait fait le tour de la ville assez rapidement, si bien qu'elle avait n'avait pu trouver de travail sur Wakeford.

Le moteur démarra silencieusement, indiquant qu'elle était montée à bord et Annabelle en profita pour se faufiler vers un arbre derrière lequel elle se cacha comme une voleuse. Elle patienta quelques minutes que la voiture quitte la rue, puis se décolla du tronc pour rentrer discrètement chez elle. Mais elle fut stoppée dans son élan par un ventre énorme, surplombé du visage perplexe d'Aurélia. La jeune fille ne sut comment réagir face à elle, surtout depuis qu'elle connaissait son plus sombre secret.

Annabelle Storm - L'héritière d'OrgantiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant