Annabelle Storm - L'héritière d'Organtia

Chapitre 35 - Etat de choc (2)

Jude la fixa, elle, dans sa belle robe ajustée pour l'occasion, ses cheveux enfin ordonnés après un long acharnement, mais dont certaines mèches avaient déjà commencé à s'évader, suite au vol rapide. Cette journée ne devait pas se passer ainsi. Elle devait être exceptionnelle, entourée des gens qu'ils aiment, dans la joie et l'effervescence. Peut-être même que Thomas se serait déclaré et que les choses auraient continués d'évoluer vers des sensations plus positives. Il pensa à Annabelle, malheureuse victime de tout ça. Elle lui avait ouvert sa porte, l'avait accueilli, sans le juger. Et derrière tout ça, elle était un puits de mystères qui l'obsédait constamment. Que pouvait-il y avoir sous cette brume ? Que voulait-on dissimuler à une enfant qui ne savait pas même lire ? Il lui fallait trouver une réponse à ces questions.

- Je ne te laisserai pas tomber. On s'en tient au plan et on se couvre l'un l'autre. L'objectif, c'est que Thomas arrive jusqu'à elle sans se faire repérer. Le plus dur, ce sera de se tirer.

L'adolescente, déterminée, opina à ses propos. Il ne restait plus qu'à attendre son feu vert. Là, Thomas n'aurait plus qu'à agir, sortir de sa cachette et récupérer son amie. Elle estima la distance entre elle-même et les mercenaires, déterminant le temps qu'elle mettrait à avancer jusqu'à eux. C'était juste, trop juste. Mais l'enjeu était énorme et l'échec n'était pas envisageable.

De son côté, Thomas était au bord de la panique. Appuyé contre une voiture dont l'état ferait pleurer son propriétaire, il voyait les silhouettes se dessiner plus nettement et cela rendait la situation plus présente. Mais dans son champ de vision apparaissait surtout Annabelle, recroquevillée sur elle-même, l'enfant pleurant à s'en rompre les cordes vocales. Elle ne semblait pas remarquer la détresse de l'héritière dans ses bras. Le choc était tel qu'elle était incapable de bouger, de distinguer les mouvements alentours. Elle se trouvait dans un état de semi-conscience, semblable à l'état dans lequel Bejörk l'avait plongé lorsqu'il avait tenté de se débarrasser d'elle.

Le signal n'était toujours pas donné. Il trépignait d'impatience autant qu'il redoutait le moment où il allait devoir s'élancer au-devant. Il ne connaissait pas le niveau de ses hommes, ni la précision des armes qu'ils avaient en main. Il souffla longuement pour calmer le vacarme dans sa poitrine. Sa vie aussi était en jeu, mais il avait deux précieux alliés avec lui pour assurer ses arrières. Surtout que l'un des deux était passé maître dans la maîtrise de sa faculté. Il ne lui arriverait rien. Tout ce qu'il avait à faire était d'éveiller la conscience d'Annabelle.

En baissant les yeux, il remarqua qu'à ses pieds se trouvait un objet bien particulier. Sa curiosité se faisant trop forte, il saisit délicatement ce qui s'apparentait être un projectile. Il ne pesait presque rien et tenait dans la paume de sa main. Mais le plus impressionnant était la forme particulière de sa pointe. Elle était complètement recourbée dans un arc de cercle net, l'embout étant quelque peu enfoncé sur lui-même. Lancée à pleine vitesse, et surtout tirée à partir d'un tel engin, les projectiles ne pouvaient que traverser toute matière qui se présentait sur leur trajectoire. La chair humaine, les vitres, les murs, rien n'aurait résisté à la frappe. Mais quelque chose avait clairement arrêté celui qu'il tenait dans sa main et avait dévié sa trajectoire. Une chose presque inconcevable.

Seulement, il y avait bien une possibilité à envisager. Et quand elle lui effleura l'esprit, il tourna son regard de l'autre côté du véhicule, en direction de son amie. Annabelle était l'une des seules survivantes de l'attentat contre l'hôpital de Wakeford, ce qui se trouvait être un miracle. Mais en réfléchissant plus largement, il analysa la démarche des mercenaires. Ils étaient lents et cela ne pouvait que témoigner de leur méfiance. Ils avaient dû voir quelque chose qui les obligeait à maintenir une distance entre elle et eux.