『 I ➳ Pourtant, je n'avais pas froid 』

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B⃟o⃟n⃟n⃟e⃟ l⃟e⃟c⃟t⃟u⃟r⃟e⃟

PDV HOPE

Bon, c'est ainsi que cette histoire s'achève. Elle n'a finalement pas été si joyeuse que ça, au contraire. Des multiples ecchymoses, coupures et cicatrices présentes sur ce que j'appelle mon « corps » me le prouvent bien chaque jour. J'en ai horreur, ces taches marquant à vie ma chair, que je ne peux ni retirer ni camoufler. Ce cadavre vivant que je transporte avec moi me dégoute autant que mes parents et lui.

Je marche depuis maintenant cinq heures et demie. Mon dos me fait terriblement mal à cause de cet énorme sac ressemblant à une valise qui ne contient que le strict nécessaire pour survivre quelques temps. J'ai dû voler de l'argent en cachette à mon père avant de partir ; il ne s'en n'apercevra sûrement pas et, je pourrai vivre un petit moment convenablement.

Mais pourquoi dois-je marcher déjà ?

Nous appelons normalement cela une fugue, lorsqu'un enfant quitte le foyer familial. Sauf que cette fois, je dirais plutôt que c'est une évasion. La violence ayant été la racine de mon enfance est devenue trop difficile à supporter. J'ai tellement mal, aussi bien physiquement que mentalement.

En marchant dans cette ville, je me rends compte que même à dix-huit heures, il n'y a personne dans les rues. Un peu normal, nous ne sommes pas n'importe où ici : Kirwood.
   
Rien que de penser à ce nom suffit à faire hérisser les poils de ma nuque et frissonner mon corps entier. Une ville ravagée par la peur, le désastre des gangs et la terreur. Pourtant, nombreux sont les riches habitant ce coin. Il faut croire que le danger est une vertu aimée des bourges.
   
J'ai été détruite, comme un vulgaire vase de Crystal que n'importe qui peut jeter à terre et briser les morceaux encore et encore. Les écraser sur le sol avec la semelle de sa chaussure d'une facilité déconcertante puis en ramasser les miettes pour ne laisser aucune trace de l'existence de ce fameux objet. C'est ça, je ne suis qu'un ustensile à douleur. Mes parents adoptifs, Julio et Addison Murky ont été de loin la pire rencontre de ma vie. Enfin, après lui.
   
Je ne pense même pas qu'ils me cherchent à l'heure qu'il est, je ne vais surement pas m'en plaindre. Ma plus grande peur serait que l'on me retrouve. Moi, Hope Murky, fille adoptive de deux fou-furieux prêts à tout pour faire souffrir leur soit-distant enfant. N'est-ce pas ironique ? Posséder un prénom signifiant l'espoir et un nom l'obscurité. Le destin a bien fait son travail, j'ai compris depuis longtemps qu'espérer ne servait qu'à tenir le coup et ne pas couler. Sauf que dans mon cas il est trop tard, je me suis déjà noyée.
   
Et maintenant, je me retrouve enfin libérée de ces chaines. Que puis-je faire ?

Rien, marcher droit devant moi dans une direction inconnue. Lorsque la vieille église sonne les coups de dix-neuf heures, le son des cloches réveille le tonnerre qui rugit bruyamment pour laisser de grosses gouttes d'eau s'éparpiller partout autour de moi. Je ne vais pas prendre la peine d'acheter un parapluie. Il n'y aura aucune boutique ouverte un dimanche et en trouver dans la forêt maudite est impossible. En effet, cette dernière est réputée dans la ville pour ses labyrinthes interminables qui favorisent les cachettes et regroupement de gangs. Mais franchement, je m'en fiche complètement maintenant. Mes larmes ne coulent pas, je n'ai plus le temps pour ça. Le ciel s'en charge très bien pour moi.
   
Après je ne sais combien de temps à tourner en rond, cherchant un endroit où je pourrais dormir et m'abriter, une falaise lointaine apparait dans mon champ de vision. Elle est en réalité si loin que je peine à savoir si c'est bien la réalité ou si tout cela n'est qu'une hallucination causée par la fatigue, le manque de luminosité ou cette terrible pluie s'abattant durement sur mes vêtements.
   
Plus j'avance vers ce vide, plus la forte végétation autour de moi disparaît petit à petit. Je pose mon sac et mon manteau trempés avec difficulté sur un petit rocher surélevé pour m'approcher doucement du bord, voulant voir ce qui se trouve aux pieds de cette falaise. En bas, je vois la mer. Une mer déchaînée en pleine tempête, remplie de vagues ardentes et de rochers s'abattant et s'entrechoquant entre eux.  

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