CHAPITRE 3

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ALEXANDRE LEWIS

Wow. Cette fille est juste magnifique, il n'y a pas d'autre mot.

   Plutôt grande et très fine, voire même un peu maigre, son apparence juvénile est en même temps d'une maturité presque déconcertante, ce qui lui donne l'air d'une jeune fille timide et d'une femme mûre à la fois.
   Ses longs cheveux châtains flottant doucement à sa taille, encadrent un visage d'un ovale parfait et aux traits gracieux. Ses lèvres cerises et pulpeuses sont fendues d'une large cicatrice, et sa peau pâle et délicate colorée de légers bleus.
   Mais ce qui m'impressionne le plus, ce sont ses yeux : d'un rare et sublime bleu gris, ceux-ci donnent l'impression d'être tout droit sortis d'un rêve...

- Bonjour madame Cooper, bonjour Aline, les salue ma mère en souriant.

- Bonjour madame Lewis, ravie de vous rencontrer ! répond joyeusement la première femme, serrant la main de ma mère et de mon beau-père qui vient de nous rejoindre, accompagné de ma sœur.

- Bonjour... murmure Aline d'une voix quasiment inaudible.

- Sache que nous sommes très heureux de t'accueillir chez nous, Aline, dit ma mère, un grand sourire aux lèvres. Je te présente mon fils Alex, et voici ma fille Ashley.

- Bonjour ! s'exclame ma sœur.

- ... Salut, je marmonne.

   Elle ne nous répond pas. À partir de là plus personne ne trouve quoi dire, et un silence gênant envahit la pièce.
   C'est finalement ma mère qui le rompt en s'adressant à Ashley, au bout de longues secondes qui me paraissent une éternité :

- Que dirais-tu de montrer à Aline sa nouvelle chambre, Ashley ?

- Oui, bien sûr ! Tu me suis ? s'écrie ma sœur en se tournant vers l'intéressée.

Aline ne répond rien et se contente de lui emboîter le pas, la tête baissée.

Une fois que les filles sont montées, madame Cooper se tourne vers mes parents :

- Je vous la confie, dit-elle en souriant. Comme vous le savez, cette petite a eu un passé très difficile, et elle a été abandonnée par toutes les familles qui l'ont recueillie précédemment. C'est un cas exceptionnel, et je compte sur vous pour en prendre grand soin.

- Bien sûr, répondent mes parents d'une même voix.  Alex ? siffle ma mère en se tournant vers moi.

- Euh... ouais, je marmonne.

- Je vous remercie. Bon, il est temps pour moi de retourner au foyer. Si vous vous posez des questions au sujet d'Aline, tout est dans son dossier. Vous êtes allés le récupérer ? (Ils acquiescent.) Parfait. Bon, je vais monter lui dire au revoir et y aller, madame Perkins m'attend.

Elle sourit et grimpe les escaliers. Dès qu'elle disparait à l'étage, ma mère se tourne vers moi :

- Bon, Alex, reprit-elle. J'ai inscrit Aline dans le même lycée que toi et ta sœur. La proviseure a été compréhensive et a accepté de mettre les filles dans la même classe, pour qu'Ashley puisse l'aider à s'adapter.

   Je hausse les épaules, indifférent. Ok, elle sera dans mon lycée, c'est même logique, mais pas dans ma classe. D'ailleurs ça ne risque pas d'arriver puisqu'elle est à peine en seconde, et moi en terminale.
   Ce sera à ma sœur de se la coltiner, pas à moi.

- Même si elle n'est pas dans ta classe, on compte tous sur toi pour veiller sur elle, ajoute Nolan. Compris, Alex ?

Raté. Je lève les yeux au ciel et soupire, énervé :

- Pourquoi je devrais « veiller sur elle », d'abord ? C'est vrai quoi, je n'ai pas que ça à faire de surveiller une gamine... et puis elle est dans la classe d'Ashley, c'est à elle de s'en occuper ! Ce n'est pas juste !

- C'est toi le plus grand et le plus responsable, Alex. C'est pour ça qu'on te demande de t'occuper des filles, insiste ma mère.

   Je me laisse tomber sur le canapé, franchement agacé : je déteste quand ma mère prend ce ton avec moi, et encore plus quand elle me dit que je suis responsable : chaque fois qu'elle commence par ce genre de choses, c'est pour me coller quelque chose sur le dos.

   J'ouvre la bouche pour protester, mais mon beau-père me fait comprendre d'un geste de la main qu'il n'y a pas à discuter :

- Mais...

- Ça suffit, Alexandre ! coupe Nolan. Tu fais ce qu'on te dit, un point c'est tout. Et si on te demande de t'occuper des filles, alors tu vas t'en occuper. Je ne veux plus t'entendre protester, c'est bien compris ?

- Et puis, ce n'est pas comme si on t'obligeait à rester avec elles tout le temps, ajoute ma mère pour tenter de me calmer. Fais attention aux filles de loin, soit là pour les emmener et les ramener du lycée, et ça ira...

- Ouais, c'est ça, je réponds en levant les yeux au ciel. De toute façon, je n'ai pas trop le choix si je comprends bien...

Ma mère sourit, satisfaite.

- Bon, je vais aller faire des courses avec Aline et Ashley. Il faut leur acheter leurs fournitures scolaires, leurs sacs de cours et des nouveaux vêtements pour la rentrée. Tu viens avec nous, Alex ?

- Non, très peu pour moi la petite séance shopping.

- Comme tu voudras...

Ma mère s'arrête soudain de parler : madame Cooper vient de descendre avec Aline.

- Merci encore, monsieur et madame Lewis. Je suis sûre qu'Aline se plaira chez vous. (Elle se tourne vers l'intéressée.) N'est-ce pas ma puce ?

   L'intéressée hoche lentement la tête et va s'asseoir sur le canapé du salon en sortant son portable et son casque de sa sacoche, toujours sans dire un mot évidemment.

- Très bien. Bon, je vais devoir y aller. Je viendrai te voir très bientôt, ma grande, c'est promis.

   Aline ne réagit pas se contente de la regarder partir en silence. Elle s'efforce de garder un visage impassible, mais, au moment précis où la jeune femme sort de la maison, je suis prêt à parier avoir décelé une lueur passer dans ses yeux... comme s'ils se sont illuminés d'un coup.

   Mais quand madame Cooper s'en va pour de bon, la jeune fille se met à regarder autour d'elle, toujours parfaitement neutre, et ses grands yeux clairs s'arrêtèrent sur nous trois. Je n'ai pas l'habitude d'être intimidé par des filles, mais je dois avouer que ces iris bleu-gris posés sur moi me déstabilisent : je ne peux pas m'empêcher de détourner le regard.

- Ma chérie, j'ai prévu d'aller faire un peu de shopping avec toi et Ashley pour la rentrée, lui dit ma mère en s'agenouillant devant elle. On achètera vos sacs, vos fournitures, et tout le reste. Je vais chercher Ashley et on y va, d'accord ?

Elle acquiesce sagement, sans prononcer un mot. Ma mère sourit, grimpe les escaliers, et redescend quelques minutes plus tard avec ma sœur.

- On y va, lance-t-elle en sortant de la maison, suivie des deux filles. À tout à l'heure, vous deux !

- Salut Helen ! Amusez-vous bien les filles, répond distraitement mon beau-père, les yeux plongés dans son journal.

   Quant à moi, je m'enfonce unpeu plus dans le canapé et me replonge dans l'écran de mon portable.
   Je n'en aipas l'air, mais je me demande comment cette session shopping va se passer...

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant