ALEXANDRE LEWIS
- Est-ce que Nolan a abusé de toi ?
- ... oui.
Silence. Ni Aline, ni maman ni Ashley n'osent dire quoi que ce soit.
Molly se retourne vers nous quatre. Elle sourit toujours, mais à présent de petites larmes coulent sur ses joues colorées de bleus.- Je le dis devant vous parce que j'ai besoin d'en parler, et aussi car que je sais bien que je n'arriverai pas à le dire à ma mère. Je n'arrive pas à penser à autre chose, c'est impossible... ça tourne en boucle dans ma tête...
Sa voix se brise sec sur les derniers mots, comme si ses cordes vocales avaient été tranchées d'un coup. À présent elle est en pleurs, les larmes coulent à flot, inondant son lit et sa petite blouse d'hôpital.
- Ma chérie...
Ma mère lui essuie les joues, et pose délicatement la main sur son poignet.
- Tu peux nous parler, ma grande... n'aie pas peur de te confier. Et si tu préfères qu'on n'en parle pas à Mary-Ann, il n'y a pas de problème.
- Racontes-nous ce qu'il s'est passé, ajoute Ashley en souriant. Enfin si tu veux, bien sûr, tu n'es pas du tout obligée... mais ça va te faire du bien.
- Je n'en peux plus de garder ça pour moi... ça fait à peine deux jours, mais je n'en peux déjà plus. Mais vous devez me promettre de ne jamais m'interrompre pendant que je vous raconterai, et surtout de n'en parler à personne sans que j'aie donné mon feu vert. D'accord ?
- Bien sûr, tu peux compter sur nous. Tu as notre parole.
Molly se rallonge dans son lit. Elle tourne à nouveau la tête vers la fenêtre, et se met à triturer ses mains, tout-à-coup nerveuse.
À partir de ce moment-là, son regard se fixe sur un point X et ne le quitte plus, comme si elle se remémore une scène du passé. Elle adopte le même réflexe qu'Aline, celui de s'effacer et de se dissocier de son corps, comme s'il ne lui appartient plus, qu'il n'est plus sien le temps d'un récit, d'une histoire des plus glaçantes.
Elle passe en mode automatique pour se protéger. Se protéger de son propre récit, et de tous les souvenirs qui vont avec. Et enfin, elle commence :*Tout a commencé à l'enterrement de tante Louisa.
Comme vous l'avez tous vu, après l'inhumation je me suis disputée avec ma mère, puis je me suis sauvée en courant. Je ne savais pas où aller, mais c'était hors de question de retourner chez Christiana. Je ne voulais plus voir personne, et j'en voulais à mort à ma mère.Alors j'ai appelé ma meilleure amie, Avery. Elle était toute seule chez elle avec sa sœur, sa mère était absente pour la soirée, et elle m'a proposé de venir dormir chez elle, puisque j'étais en galère. J'ai accepté. On a passé une bonne soirée, elle m'a réconfortée et m'a conseillé de parler à maman de ce que je ressentais.
On s'est endormies, et le lendemain elle a proposé que sa sœur me dépose chez Christiana en voiture. J'ai décliné la proposition : je m'étais déjà pratiquement invitée chez elle pour la nuit, je n'allais pas la déranger encore plus.Du coup je suis partie à pied, mais très rapidement je me suis perdue alors j'ai décidé d'appeler à la maison. Mais chez grand-mère, personne ne répondait. Le téléphone fixe tombait sur le répondeur à chaque fois.
Alors... ne me demandez pas pourquoi, mais j'ai appelé Nolan. Je ne voulais pas rappeler maman, c'était hors de question. Mais je n'avais pas vos numéros : ni le tien, tante Helen, ni celui d'Alex, Aline ou même Ashley. Mais en fouillant mon répertoire j'ai trouvé celui de Nolan. Je le sais, c'est bizarre et je ne me l'explique pas à moi-même... mais j'étais toute seule, et je n'étais pas rassurée du tout. Alors j'ai appelé. Je lui ai expliqué que j'étais un peu perdue, et que je souhaitais rentrer à la maison. Je lui ai demandé s'il pouvait venir me récupérer ou alors appeler Christiana ou Helen, n'importe qui pour venir me chercher s'il ne pouvait pas le faire lui-même... Ça peut paraître assez particulier de m'imaginer demander ça à Nolan, mais avant il avait toujours été gentil, sympathique avec moi, même si je le connaissais très peu... et je n'avais pas trop le choix de toute façon.
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(Sur)vivante
Fiksi RemajaPendant toutes ces années d'enfer, elle était résignée à mourir, mais à présent la vie n'attend plus qu'elle. À quinze ans, Aline est une jeune fille calme et effacée, qui ouvre chaque matin ses yeux clairs sur un désert de solitude. Depuis s...