(Sur)vivante

CHAPITRE 10

POINT DE VUE EXTERNE

   Helen respire un bon coup, et toque à la porte de la chambre de son fils.

- Entre maman ! s'écrie le jeune homme.

   La jeune femme s'exécute et pénètre dans la chambre.

- Comment tu as su que c'était moi ? demande-t-elle à son fils, qui ôte ses écouteurs pour l'écouter.

- Coup de chance, répond-il. Qu'est-ce que tu veux ?

- C'est au sujet d'Aline.

- Dis-moi.

- Avec ton beau-père et ta sœur, on... enfin... on a pensé à porter plainte.

- Porter plaine ? répète le jeune homme en ouvrant des yeux ronds.

- Oui, Alex. Porter plainte pour harcèlement. C'est juste inacceptable ce que cette fille et ses amis ont fait subir à Aline... surtout après tout ce qu'elle a traversé auparavant.

- Comment tu peux savoir ce qu'il s'est passé, exactement ? On te l'a dit ?

- Oui. Les amis de la gamine... Enola, je crois, ont été convoqués dans le bureau de la proviseure et ont tout avoué. Elle m'a appelée ce matin, pour me faire un compte-rendu de l'entretien avec eux.

- Et... ils lui ont fait quoi, exactement ?

- ...

- Dis-moi, maman. Je veux savoir.

- Ils volaient ses affaires, piquaient de la nourriture sur son plateau à la cantine, l'insultaient et lui jetaient des choses dessus en cours, l'enfermaient dans les toilettes, faisaient circuler des rumeurs sur elle, déchiraient ses...

- J'en ai assez entendu, coupe-t-il.

   Sans s'en rendre compte, les poings du jeune homme se serrèrent, et le jeune homme doit prendre une profonde inspiration pour se calmer et s'empêcher d'hurler : il a l'impression que sa haine envers Enola s'est décuplée en l'espace de quelques secondes, et, surtout, se sent de plus en plus coupable vis-à-vis d'Aline : il avait vécu deux semaines juste en face d'elle, sous son toit ; comment a-t-il pu être aussi aveugle ? Pourquoi ne s'est-il pas préoccupé d'elle tout de suite, au lieu de la laisser seule et sans repères ?

- Bref, reprend Helen en posant sa main sur celle de son fils. Est-ce que tu viens avec nous pour lui parler ?

- Lui parler ?

- Oui, pour la convaincre de porter plainte. Si on va la voir tous ensemble, elle se sentira encouragée et soutenue. (Helen marque une pause, et reprend.) De plus, je pense que tu serais bien placé pour lui parler.

- Tu penses qu'elle m'écoutera ? fait Alex, peu convaincu.

- Et pourquoi elle ne t'écouterait pas ?

- Parce que j'ai déjà essayé de lui parler, maman. Deux fois, et ça n'a rien donné.

- Essaye encore, chéri. Et avec nous trois en plus, ça pourrait marcher cette fois.

   Le jeune homme s'assoit sur son lit pour peser le pour et le contre.

- Tu n'as rien à perdre de toute façon, assure Helen. Et puis... ta présence pourrait nous aider.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- Hmmm... rien, laisse tomber. Tu viens avec nous ou pas, du coup ?

- Bon, c'est d'accord. J'arrive.

Helen s'approche de son fils et l'embrasse sur le front, un sourire aux lèvres.

- Merci, Alex.

- Y'a pas de quoi. Et puis, quelque part, je suis concerné par ce qui lui est arrivé... je n'ai pas vu ce qui s'est passé, alors que vous m'avez demandé de la surveiller.

- Ne culpabilise pas, Alex. Aline est tellement secrète, de toute façon ça aurait été dur pour toi de discerner quoi que ce soit. Et puis, même ta sœur qui est dans sa classe n'a rien remarqué.

- Oui, tu n'as pas tort non plus... mais quand même. Bon, va chercher Ashley et Nolan, je t'attends.

- J'y vais.

*Ellipse*

   Helen inspire un bon coup et toque timidement à la porte de la chambre.
   Cette fois, c'est celle d'Aline, et elle est accompagnée de son fils, sa fille et son mari.

Pas de réponse.

- Réessaie, elle n'a pas dû entendre, dit Ashley.

   Helen s'exécute et recommence, mais il n'y a toujours aucune réponse.

- Aline ! Tu es là ? s'écrie Nolan en frappant vigoureusement à la porte.

- On va bientôt le savoir, rétorque Alexandre en posant la main sur la poignée.

- Aline ne veut pas qu'on entre dans sa chambre sans sa permission, Alex, rappelle Ashley en posant sa main sur celle de son frère pour l'arrêter.

- Je m'en fous. On ne va pas camper devant sa porte en attendant qu'elle nous ouvre, rétorque le jeune homme en actionnant la poignée d'un coup sec, mais pas trop fort quand même : il se souvient encore de la dernière fois, où la porte s'était ouverte si brutalement que la jeune fille avait pris peur.

   Mais, au moment précis où la porte s'ouvre lentement sur la chambre, le jeune homme regrette amèrement de l'avoir ouverte : toute la famille se fige sur place.

- Nom de Dieu....

- ...

- Aline !?

- Maman, qu'est-ce qui se passe !?

   Nolan est complètement abasourdi.
   Alexandre reste muet.
   Helen demeure bouchée bée, choquée, tandis qu'Ashley ne parvient pas à détourner le regard de l'horreur qui s'offre à leurs yeux, choquée.

   Aline, elle, est étalée sur son lit, inconsciente, une boîte de médicaments renversée à côté d'elle...