(Sur)vivante

CHAPITRE 41

ALEXANDRE LEWIS

- Détends-toi, inspire, expire... c'est ça...

   Je prends la main d'Aline dans la mienne, et la serre fort tandis qu'elle essaye de se concentrer sur sa respiration. Ses grands yeux clairs scintillent comme des étoiles dans la nuit, seuls source de lumière en cette grise matinée de novembre.

   Ses doigts sont glacés, et elle se serre un peu plus contre moi pour se réchauffer. Tandis que je caresse sa chevelure sombre, ma petite-amie se décolle à contre-cœur de mon torse pour relever la tête vers moi. Son regard bleuté est assombri par l'inquiétude :

- Peut-être que je ne devrais pas y aller, murmure-t-elle avec une moue hésitante, frissonnant dans sa légère robe noire. Tu pourrais me rapporter les résultats, et...

- Tu sais bien que tu dois être là, je rappelle doucement en lui caressant la joue du bout des doigts. Même si je t'ai aidée, c'est toi qui es inscrite et qui a écrit en grande partie.

- Mais...

- On va juste voir notre classement, chérie. Je sais que tu es morte de trouille, mais tu as aussi très envie de savoir si on a gagné... je me trompe ? j'ajoute en souriant.

- Et tu sais que je sais que tu as raison... bon c'est d'accord, même si je ne pense pas vraiment qu'on ai gagné. Mais je te préviens, même si on a la chance d'être dans le top trois, je ne monte ni sur scène ni sur aucun autre podium, dit-elle en soupirant à travers son sourire. Désolée si je suis tendue, elle ajoute en se mordillant la lèvre inférieure. C'est juste que je suis... angoissée et impatiente à la fois, c'est bizarre.

   Elle me sourit timidement, et réajuste son écharpe autour de sa nuque d'un geste nerveux. Je me contente de lui sourire en retour, sa petite main toujours serrée dans la mienne : elle est si adorable quand elle est embarrassée.

Aline respire un bon coup, et nous pouvons enfin y aller.

   Tandis que nous nous dirigeons vers le gymnase du lycée, je ne peux pas m'empêcher de cogiter : est-ce que notre livre a été bon, en tout cas suffisamment pour gagner ? Aline remportera-t-elle la bourse pour la fac californienne ? Et si jamais c'était le cas, est-ce que notre relation tiendrait toujours avec une telle distance entre nous ?

   Bien sûr il reste trois années de lycée à Aline, et elle n'est même pas encore venue à bout de la première ; cette dernière question est un assez prématurée, mais je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour nous. Nous avons enfin réussi à clarifier et stabiliser notre relation... même s'il nous reste encore trois ans pour la développer – et la préparer à son départ –, est-ce que ce sera suffisant ?

- Ne t'inquiète pas, me souffle Aline en caressant le dos de ma main du bout des doigts. Ça ne changera rien entre nous.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Tu penses à voix haute, dit-elle avec un sourire en coin. Plus sérieusement, tu n'as pas à t'en faire pour nous : premièrement, avec le niveau de cette année, ça m'étonnerait qu'on ait pu gagner... et même si c'était le cas par le plus grand miracle, rien ne pourra changer quoi que ce soit entre nous.

Je souris, mais Aline doit déceler la petite lueur d'inquiétude dans mon regard étant donné qu'elle ajoute :

- Et je t'interdis de penser le contraire, dit-elle en portant ma main à ses lèvres pour l'embrasser. Je t'aime, Alex.

- Moi aussi... tu ne sais pas à quel point.

Je l'embrasse et l'enlace par la taille, et nous arrivons très vite au gymnase main dans la main. Aussitôt, Aline aperçoit Lenny au loin, et se sépare de moi pour aller la rejoindre.