CHAPITRE 8

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ALEXANDRE LEWIS

   Après la convocation chez la proviseure, je dois retourner en cours tandis que mes parents et Aline sont rentrés à la maison.
   Tout à l'heure, j'étais vraiment hors de moi quand elle a dit avoir été harcelée par Enola et sa bande de cons. Je n'ai plus qu'une seule envie : faire payer à cette garce tout ce qu'elle a fait à Aline.

Mais pour l'instant, je suis condamné à écouter madame Gomez nous parler espagnol pour le reste de l'après-midi, sans aucune autre occupation possible.

- Eh... psst, Alex...

Agacé, je me retourne et tombe nez-à-nez avec Thomas Carson, un garçon de ma classe, qui est penché sur ma table.

- Tu veux quoi, Tom ? je souffle. Si Gomez nous voit, on est morts.

- Je sais... mais c'est pour te demander comment elle va.

- Qui ça ?

   Je fais celui qui n'est pas au courant, mais je sais très bien qu'il parle d'Aline : depuis qu'elle est arrivée au lycée, il passe le plus clair de son temps à la mater dans la cour, le nez plongé dans ses feuilles de dessin.

- Bah, Aline... il murmure doucement, les joues empourprées. J'ai vu ce qui s'est passé tout à l'heure, dans la cour. Je n'ai pas osé intervenir pendant la bagarre, mais je me demande comment elle va, quoi...

- À ton avis ? je réponds un peu brusquement, franchement agacé.

   Je n'ai rien contre Thomas, c'est un garçon très sympa, mais je n'ai ni le temps ni l'envie de répondre à ses questions ... surtout après cette matinée des plus pénibles.
Baissant la tête vers son manuel d'espagnol ouvert à une page au hasard, il se met à bredouiller.

- Mais je...

- SILENCE ! braille madame Gomez depuis l'autre bout de la classe, sa voix stridente résonnant contre les parois étroites de la pièce. Alexandre et Thomas, apportez-moi vos carnets de correspondance immédiatement !

- C'est pas ma faute ! je proteste.

- Ne vous moquez pas de moi jeune homme, je vous ai entendu ! hurle-t-elle de plus belle, son accent d'Amérique latine déjà bien prononcé rendant son ton encore plus agressif que d'ordinaire.

Je sais très bien qu'il est inutile de protester avec elle et me contente de lui tendre mon carnet en silence, en la toisant d'un œil méprisant, coléreux.

- Ce n'est pas sa faute madame, intervient timidement Thomas. C'est moi qui ai commencé à lui parler.

   La vieille prof s'arrête devant la table de Thomas, juste derrière la mienne, et immobilise sa main autour de mon cahier de correspondance, qu'elle vient d'agripper fermement.
Madame Gomez fixe le jeune homme quelques secondes, l'air de réfléchir.

- Bon, ça ira pour cette fois, dit-elle en me rendant mon carnet. Mais je vous mets tout de même un mot pour bavardage, Thomas.

   Il hoche poliment la tête, et lui tends son carnet.
   La prof le saisit sèchement, l'arrachant presque des mains du garçon, et le pose distraitement sur son bureau encombré avant de reprendre son cours comme si de rien n'était.
Après avoir vérifié qu'elle s'est complètement désintéressée de nous, je me retourne discrètement vers Thomas :

- Merci mec, c'était sympa.

- Pas de quoi, dit-il en souriant.

   Quand la cloche retentit enfin dans le couloir, sonnant la fin du cours, je descends en récré avec Thomas.
   Finalement, je décide d'écouter ce qu'il a me dire en entier : il m'a quand même aidé face à la vieille sorcière latino... et puis si c'est à propos d'Aline, ça peut toujours être intéressant.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant