CHAPITRE 14

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ALEXANDRE LEWIS

   Cela fait maintenant quelques jours qu'Aline est à l'hôpital.
   Je suis allé la voir la veille, et à mon plus grand soulagement elle allait bien mieux qu'à son réveil. Elle parlait aussi un peu plus qu'avant, ce qui est assez bon signe : j'ai l'impression qu'elle essaye de faire des efforts, comme si sa tentative avait déclenché quelque chose en elle.

   Elle m'a également présentée Mary-Lynn, la surveillante qui veillait sur elle quand elle était au foyer. Je l'ai déjà vue le jour où Aline est arrivée chez nous ; nous avons discuté un peu, et j'ai pu apprendre à mieux la connaître.

   Du côté du lycée ça va aussi, même si le nom d'Aline est désormais sur toutes les lèvres depuis ce qui s'est passé.
   Tous les jours, de nombreux élèves viennent me demander de ses nouvelles, ce qui est normal en soi : une tentative de suicide passe rarement inaperçu, surtout dans un lycée qui compte autant d'élèves que le mien.

   Mais je ne vais pas cacher que cela m'agace quand on m'interroge tout le temps sur elle : je veux être tranquille, et c'est sans parler du fait que la plupart ne connaissaient même pas Aline depuis la bagarre, et n'avaient jamais essayé de se rapprocher d'elle ; comme s'il avait fallu un évènement aussi dramatique pour qu'on « s'intéresse » enfin à elle, ce qui n'en finit pas de m'énerver.

   J'ai aussi appris ce matin qu'Enola allait revenir au lycée.
   Un surveillant l'a annoncé à la classe ce matin, en cours de maths. Quand son nom a été prononcé, j'ai été si en colère que je n'ai même pas été capable de m'énerver, mais je me suis promis de faire payer à cette garce tout ce qu'elle a fait à Aline en temps venu.

- Alex, descends tout de suite s'il-te-plaît ! s'écrie ma mère depuis le rez-de-chaussée.

- J'arrive, je grommelle pour moi-même.

Je descends les escaliers d'un pas lourd, les mains dans les poches et ma musique dans les oreilles. J'espère au moins que c'est important.

- Qu'est-ce qu'il y a ? je demande sur un ton bourru en arrivant au salon.

- Nous avons quelque chose d'important à te dire, commence ma mère.

- Deux, rectifie mon beau-père. Il y a un truc qui va te faire très plaisir, et l'autre non, ajoute-t-il en mordillant la lèvre inférieure, son deuxième tic après la main dans les cheveux.

Ma mère et mon beau-père ont tous les deux l'air très nerveux, stressés, et je remarque tout de suite que ma mère retient ses larmes.

- Je suis énervé, alors commence plutôt par la bonne nouvelle, je marmonne.

Mon beau-père acquiesce et s'éclaircit la gorge :

- Eh bien... l'hôpital a appelé ce matin, et...

- Et ?

- ... et Aline revient à la maison dès ce soir, il annonce avec un grand sourire.

- Super ! je m'écrie en bondissant du canapé, tel un kangourou. Je peux aller la chercher dès maintenant ! j'ajoute en enfilant aussitôt ma veste en cuir, attrapant mes clés de voiture posées sur la table basse.

- Attends mon chéri, dit ma mère en m'attrapant doucement par la manche pour me réasseoir sur le canapé. Il reste la deuxième chose...

- Dites, alors.

- C'est dur à dire, et ça va sûrement te faire beaucoup de mal, elle ajoute gravement, comme si le simple fait de prononcer cette phrase a eu pour effet de faire tomber un voile noir devant ses yeux sombres.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant