(Sur)vivante

CHAPITRE 34

ALEXANDRE LEWIS

- Non, ma chérie... murmure doucement Helen, secouant la tête. Ce n'était pas pour Molly. On... on m'a annoncé que Nolan est sorti de l'hôpital cette nuit.

- Quoi ?! Mais comment c'est possible ? je m'écrie, si fort que ma sœur et Aline sursautent en même temps. Je l'ai vu hier juste avant notre départ, après qu'il a demandé à voir Molly... il était encore shooté et perfusé, ils n'ont pas pu le laisser sortir !

- Apparemment si, mon chéri... étant donné nous sommes mariés, j'ai immédiatement été prévenue, et on m'a dit qu'il est parti quelques heures seulement après nous.

   Je me fige sur place, complètement glacé : le sentiment oppressant qui ne m'avait pas quitté durant le trajet de la veille, dans obscurité de la nuit la plus totale, me rejaillit soudain en pleine figure dans toute son évidence.
   L'imposante silhouette que j'ai aperçue sur l'aire de repos déserte se clarifie petit à petit dans mon esprit, pour former l'image nette et précise de mon beau-père : cet homme menaçant, infidèle, ce violeur qui, à l'hôpital, amoché et perfusé, m'avait donné une impression si pitoyable, vulnérable.

   Mais dehors de la cloison hospitalière, loin des infirmiers et médecins qui auraient pu le contenir en cas de débordements comme c'était déjà arrivé par deux fois, Nolan redevient, à mes yeux, cet individu dangereux et pernicieux, capable de commettre les actes les plus odieux... dont Molly a été la première à faire les frais, d'ailleurs.

- Mais comment on va faire ? demande Ashley, paniquée. S'il est sorti depuis hier, ça veut dire qu'il peut rentrer en contact avec nous... (une lueur de terreur passe dans les yeux de ma sœur, et son regard se remplit d'effroi) peut-être même qu'il est en route en ce moment-même, et qu'il cherche à nous retrouver !

   Je sens de petites gouttes de sueur perler sur mon front et me mords la lèvre, nerveux.
   Comment dire à ma mère, à Aline et à ma sœur que si mes impressions de la veille sont bel et bien fondées, et que Nolan nous a pris en filature pendant le trajet nocturne, il est peut-être déjà dans notre Etat, voire en ville en ce moment-même !

- Alex, ça va ? Tu as l'air pensif, me dit Aline en posant une main inquiète sur mon épaule.

- C'est que... je crois que nous devrons faire attention ces prochains jours, je murmure prudemment, comme si mon beau-père pouvait nous entendre en ce moment-même.

Les trois femmes autour de moi me regardent avec de grands yeux interrogateurs, et je me racle la gorge avant de lâcher :

- Assez tard hier soir, nous nous sommes arrêtés sur une aire d'autoroute, j'explique en m'adressant à Aline et Ashley. Vous dormiez, les filles, et maman venait de se réveiller : je suis allé lui chercher un petit remontant au café d'à côté, histoire qu'elle puisse avoir un peu d'énergie avant de reprendre le volant. Quand je suis revenu à la voiture, j'ai aperçu la silhouette d'une carrure masculine, très sombre, qui semblait se rapprocher de nous. Je l'ai dit à maman, et nous sommes partis aussitôt : durant les deux heures où vous dormiez toutes les trois, c'est moi qui conduisais, et j'ai eu l'impression qu'une voiture nous suivait, nous collait sur l'autoroute.

- Pourquoi tu ne m'as pas parlé de ce pressentiment tout de suite après avoir vu cette ombre ? s'étonne ma mère, qui somnolait alors que je conduisais. Bon sang, tu aurais dû me le dire, Alex, j'aurais été plus prudente sur l'autoroute...

- La voiture qui nous suivait... tu es sûr que c'était celle de Nolan ? demande Ashley, dont l'angoisse est montée d'un coup.

- Il faisait nuit noire, je ne distinguais pas très bien le véhicule dans l'obscurité... mais quand il était éclairé par mes phares, j'ai remarqué qu'il ressemblait beaucoup à celui de Nolan... il était de la même couleur aussi, j'ajoute en fouillant dans ma mémoire, essayant de me rappeler du maximum de détails possibles.