CHAPITRE 36

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ALEXANDRE LEWIS

   Aline, maman et moi nous dirigeons vers la voiture d'un pas vif, chacun de nous trois luttant tant bien que mal contre les bourrasques glacées de ce début octobre.
   Alors que nos pas hâtifs martèlent bruyamment le bitume du parking, Aline se serre un peu plus contre moi et prend ma main dans la sienne, s'efforçant de regarder droit devant elle afin de ne pas se retourner vers le commissariat de police, duquel nous venons de sortir après le dépôt d'une plainte pour menaces de mort.

   Une semaine s'est écoulée depuis que Nolan, puis Molly sont sortis de l'hôpital. Fort heureusement, nous n'avons pas eu de nouvelles de mon beau-père depuis, mais nous sommes tout de même restés très prudents de peur de le croiser au moindre coin de rue.

   Pour des raisons professionnelles concernant ma mère, qui a été très prise durant cette semaine, nous n'avons pas eu le temps de nous rendre au commissariat plus tôt. Ainsi, c'est en cette fin de semaine – que nous avons tous les quatre attendus sur un fil, impatients de revoir Molly une dernière fois avant son départ – que nous avons pu franchir pour la première fois les portes d'un poste de police, tous trois (et Aline en particulier) assez impressionnés par l'endroit.

   Tandis qu'Ashley a préféré rester dans la voiture, emmitouflée dans son épaisse doudoune fourrée, ma protégée a dû s'armer de courage pour raconter ce qui s'est passé à la gendarme en face de nous. Celle-ci l'a interrogée pendant un bon quart d'heure, et ma mère a pris grand soin de bien détailler notre situation assez particulière, mentionnant au passage le cas de Molly.
   La jeune policière, pour qui le nom de Nolan ne semblait pas totalement inconnu, nous a écoutés avec attention, et, intéressée par l'histoire de ma cousine, a même proposé de vérifier le casier judiciaire de mon beau-père.

   C'est ainsi que nous avons découvert, avec surprise et effroi, que la justice a déjà condamné mon beau-père par trois fois : Nolan aurait commis deux viols à cinq ans d'intervalle l'un de l'autre et harcelé sexuellement une ancienne collègue de bureau, et tout cela avant de rencontrer ma mère.

   Après avoir pris la plainte et nous avoir souhaité un bon courage pour la suite, la gendarme nous as permis de disposer, et nous sommes sortis en hâte du commissariat. J'ai bien senti que ç'a été dur pour Aline, mais elle a tenu le coup... je suis fier d'elle.

- Vous revoilà enfin ! s'écrie ma sœur en nous voyant arriver, sa cascade de boucles blondes dépassant de la portière qu'elle vient d'ouvrir. Alors, ça s'est passé comment ?

- Ça dépend, lâche maman en s'effondrant complètement sur son siège place conducteur.

   Ashley pose sur moi de grands yeux inquiets, et je me mords nerveusement la lèvre inférieure : comment parler à ma sœur du passé judiciaire de Nolan, alors qu'elle lui a attribué le rôle de père adoptif depuis déjà deux ans maintenant ?

   Instinctivement, je baisse les yeux vers Aline, toujours serrée contre moi, comme pour lui demander quoi faire. Elle se blottit un peu plus contre mon torse, et me répond par un petit signe de tête, que je prends pour un « dis-lui ».

Je respire un bon coup, avant de me lancer :

- Après avoir pris notre plainte, la policière à qui nous avons expliqué notre situation a proposé de consulter le casier judiciaire de Nolan...

- ... et il avait un passif, complète Ashley avec amertume.

- Un passif sexuel, je termine du bout des lèvres. Il a déjà été condamné par trois fois, avant de rencontrer maman.

   Un petit rictus passe sur les lèvres de ma sœur, qui passe nerveusement la main dans ses cheveux, rejetant sa tignasse dorée dans son dos. Elle baisse les yeux vers ses genoux et secoue légèrement la tête, crispée : elle n'a pas l'air en colère ni triste, mais seulement extrêmement déçue.
   Ça me fait très mal au cœur de la voir ainsi : j'ai l'impression qu'apprendre cette « nouvelle » lui avait fait l'effet d'un coup de massue.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant