(Sur)vivante

CHAPITRE 16

ALINE ADAMS

   Je reste bouche bée devant le spectacle aussi improbable qu'horrible qui s'offre à mes yeux ; Nolan est en train d'embrasser une femme blonde, beaucoup plus jeune qu'Helen : sa grosse main noueuse est posée sur une énorme poitrine, étouffée dans un chemisier blanc à moitié déboutonné, tandis que celle-ci se frotte contre lui sans ménagement, son étroite jupe crayon noire cognant toujours plus fort contre l'entrejambe du mari d'Helen.

   Je fais de mon mieux pour garder mon calme, mais je dois serrer les poings très fort pour ne pas hurler, à la fois choquée et répugnée.
   Après plusieurs secondes de réflexion qui m'en paraissent chacune cent, je me dis qu'il vaut mieux avoir une preuve visuelle pour pouvoir tout raconter à Alexandre... oui, c'est la meilleure solution.

   D'un geste gauche, je sors mon portable de la poche de ma robe, et, ravalant un haut-le-cœur, je capture cette scène aussi improbable qu'écœurante.
Je sais qu'il ne faut pas faire ce genre de choses, mais c'est ma seule solution pour paraître crédible... il ne faut pas que Nolan s'en sorte indemne et puisse me discréditer auprès d'Helen.

   Après avoir pris la photo, je me détourne et m'apprête à repartir en sens inverse afin de retourner à notre table, au moment où une main sortie de nulle part empoigne brutalement mon avant-bras, me tirant vers l'arrière.

Bien évidemment, c'est Nolan.

- Lâchez moi, vous me faites mal ! je m'écrie en essayant désespérément de me libérer de sa prise.

- Oh que non, tu restes là, dit-il, un grand sourire sur le visage. J'ai quelqu'un à te présenter...

   Voyant que je commence à paniquer, il finit par me lâcher et m'ordonne de ne pas bouger. D'un signe de la main, il invite la jeune femme qu'il embrassait à s'approcher de nous.
   Maintenant que je la vois mieux, je peux rapidement l'identifier : elle a les yeux bleus glacier, de longs cheveux blonds qui lui arrivent à peu près à la taille et des lèvres pulpeuses, peintes d'un rouge intense.
   Elle est grande, très mince avec des formes généreuses, et ressemble à une de ces mannequins qu'on voit partout sur les réseaux sociaux ou dans les magazines, qui ont le don de complexer la plus assurée des femmes.

- Aline, je te présente Penny. Mon cœur, voici Aline, la fille que la vieille a décidé de recueillir, dit-il d'une voix à la fois acerbe et mielleuse en se tournant vers la blonde.

La vieille ? C'est vraiment ce qu'il pense d'Helen ?

- Enchantée, minaude-t-elle d'une voix insupportable en posant une main sur sa hanche, prenant une pose aguicheuse et me scrutant avec une lueur de défi dans le regard.

Instantanément, cette femme me paraît aussi stupide que ridicule : elle ne doit pas voler plus haut que les quinze centimètres de ses talons aiguilles.

- Comment osez-vous parler ainsi de votre femme ?! je m'écrie. Elle vous aime et vous est fidèle, et vous vous la trompez dès qu'elle a le dos tourné !

D'habitude, j'essaye au maximum de garder mon calme en toutes circonstances, mais là je ne réussis pas à me contrôler. Je suis vraiment hors de moi.

- Tout doux ma belle, se contente-t-il de ricaner en me plaquant contre la colonne marbrée des toilettes. Penny chérie, tu ferais mieux de retourner auprès de ton fiancé, il risque de s'apercevoir que tu n'es pas encore revenue, ajoute-t-il à l'intention de sa maîtresse.

Elle acquiesce et passe les bras autour de son cou en lui murmurant à quel point il allait lui manquer, avant de l'embrasser langoureusement, ravivant ma nausée au passage.