CHAPITRE 35

1.2K 66 2
                                    

ALINE ADAMS

- M-merci... je murmure, osant à peine regarder Lenny dans les yeux.

- Je t'en prie, me répond-t-elle d'une voix très douce, avant de retourner à sa place d'un pas léger.

- Bien, coupe le prof en tapant dans ses mains. Je vais procéder à l'appel, et ensuite...

   Je n'écoute même plus ce qu'il dit, le regard rivé sur Lenny. Je ne m'attendais pas du tout à la revoir un jour, encore moins dans ma classe au lycée... et surtout pas sous cette apparence si douce, si soignée.

   Ses cheveux blonds, assez longs et hirsutes auparavant, ont été coupés au carré et retombent gracieusement sur ses épaules en légères boucles dorées. Son regard est sombre, mais ses grands yeux noirs sont totalement dénués de l'animosité et la haine qui l'animait au foyer... j'y décèle même une douceur assez déconcertante. Son visage, lui, n'a pas beaucoup changé, si ce n'est qu'il est beaucoup plus lumineux qu'avant.
   La jeune fille rayonne, j'ai l'impression d'avoir une parfaite inconnue en face de moi.

Comme moi, je suppose que Lenny a dû être envoyée dans une bonne famille d'accueil, ce qui explique ses changements physiques et sa santé visiblement améliorée. Au foyer, elle était plutôt terne et maussade, comme moi et beaucoup d'autres jeunes placés.

- Aline, vous êtes encore avec nous ?

Je relève la tête vers le professeur, qui vient de s'adresser à moi d'une voix tranchante.

- Oui... excusez-moi.

- Je vous prie de vous concentrer, mademoiselle... avec les cours que vous avez manqués récemment, il vaut mieux être attentive afin de rattraper au mieux votre retard, ajoute-t-il d'une voix qui se fait plus douce.

   J'acquiesce vigoureusement, et replonge aussitôt la tête dans mon cahier ouvert. J'essaye au mieux de me concentrer sur mon cours de mathématiques, mais, malgré moi, je sens que Lenny occupe toujours une bonne partie de mes pensées...

*Ellipse*

   Dès que la cloche sonne la fin de mon deuxième cours de la matinée, je me dépêche de ranger mes affaires et descend aussitôt en récréation. Avec un peu de chance, je peux retrouver Alexandre à temps : j'ai hâte de lui parler de Lenny pour lui expliquer plus en détail ce qui a pu se passer avec elle au foyer, et partager avec lui la sensation grisante que j'ai ressenti en la revoyant.

   Je me rends tout de suite en récréation, impatiente. Etant donné que notre classe est une des premières à sortir, la cour est quasi-déserte : je décide de m'asseoir dans un coin avec un livre, et d'attendre Alexandre.

Je vais donc m'installer dans un endroit discret, et sort un roman de mon sac. Cependant, j'ai à peine le temps de parcourir quelques pages que je sens une présence derrière moi :

- Qu'est-ce que tu lis ? murmure une voix douce.

   Je me retourne, surprise, pour découvrir Lenny penchée vers moi. Par réflexe, je baisse craintivement la tête et serre mon précieux livre contre ma poitrine : depuis qu'un des amis d'Enola a déchiré un de mes romans, j'ai l'impression que j'y suis encore plus attachée.

- Ça ne fait rien. Je peux m'asseoir ? demande-t-elle en désignant la place à côté de moi.

J'acquiesce, et Lenny s'installe à mes côtés. Au bout de quelques secondes de silence, je me décide enfin à lancer la conversation :

- Merci d'avoir récupéré mes cours, dis-je. Je... je pensais que personne n'avait pris la peine de les prendre pour moi.

- Je t'en prie. Et au fait, désolée pour... ce qui s'est passé au foyer. C'était une période très compliquée pour moi, et le seul moyen que j'ai trouvé pour aller mieux a été de m'acharner sur les autres. (Elle tente un sourire.) Mais c'est du passé, désormais... depuis que j'ai emménagé chez les Hill, ils se sont occupés de moi comme ils l'auraient fait si j'avais été leur fille biologique... ça m'a changée, résiliée. Aujourd'hui, je ne suis plus rien de la peste que j'ai pu incarner au foyer.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant