CHAPITRE 13

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ALINE ADAMS

   J'attrape un livre posé sur ma table de chambre tandis que monsieur Miller s'occupe de changer ma perfusion. Alexandre, Ashley, Helen et Nolan sont passés me voir il y a un petit moment, et cela m'a fait beaucoup de bien.

   Il y a quelques heures seulement, j'ai tenté de mettre fin à mes jours... en y repensant, je réalise que je n'aurais jamais dû.
   J'ai déjà fait des tentatives au foyer, mais étrangement c'est la seule que je regrette. Je ne me l'explique pas, mais... j'ai l'impression que je me sens bien, comme soulagée : avant de faire ce que j'ai fait, je me suis un peu inquiétée ; si je me ratais – comme c'est arrivé à chaque fois jusqu'à présent –, j'étais persuadée que les Lewis me reprocheraient mon geste, et s'en serviraient comme d'une excuse pour me renvoyer au foyer.

   Mais en voyant qu'ils ne m'en voulaient pas le moins du monde et semblaient prêts à me soutenir, j'ai immédiatement été soulagée, comme délivrée d'un poids.
   Alors je me suis autorisée à baisser la garde, en leur révélant ce que je ressentais vraiment... qui sait, peut-être les choses seront-elles différentes cette fois ?
   Sans oublier Alexandre, qui semblait vraiment me comprendre comme s'il était lui aussi passé par là... et qu'avait-il essayé de me dire, avant que le médecin n'intervienne ?

- Que lisez-vous ?

La voix de monsieur Miller, le médecin en question, me sort de mes pensées.

Je referme le livre que j'ai en mains et lui montre la couverture.

- Madame Bovary de Gustave Flaubert, il déchiffre. C'est français, non ?

- Oui, mais celui-ci est traduit, je réponds d'une petite voix timide.

- Ce livre est un véritable chef-d'œuvre, vous pouvez me croire ! s'exclame-t-il, un grand sourire aux lèvres. Emma a été si malheureuse après son mariage, mais après tout elle ne pouvait pas savoir à l'avance qu'épouser Charles la ferait sombrer ! Sans parler de Berthe, cette pauvre enfant qui a fini orphe...

Face à mon regard gêné, il finit par se taire et s'excuse confusément. Alors qu'il garde le silence, mal à l'aise, je me surprends à relancer la conversation :

- ... Vous lisez ce genre de livres ?

- Je n'en ai pas l'habitude, non... mais ma fille me l'a conseillé, alors je me suis pris au jeu, ajoute-t-il en riant.

- Vous avez une fille ?

- Oui. Elle s'appelle Noémy. Elle adore les livres, surtout des classiques de la littérature française, ajoute-t-il en riant, ajoute-t-il en souriant.

- ... quel âge a-t-elle ?

- Quatorze ans. Elle dans ton lycée, d'ailleurs.

- Vous savez dans quel lycée je suis ? je demande en ouvrant de grands yeux, étonnée.

- Oui. Je t'y ai déjà vue plusieurs fois quand j'allais chercher ma fille... Noémy est en seconde elle aussi, elle a sauté une classe.

Je hoche légèrement la tête, ne sachant pas trop quoi dire.

   Soudain, la porte s'ouvre en grand sur deux femmes qui entrent dans la chambre d'un pas vif, mettant fin à la conversation.
   Je ne sais pas qui est la première, mais en déduit que c'est une infirmière étant donné qu'elle porte une blouse blanche.
   La deuxième, en revanche, je ne la connais que trop bien...

- Mary-Lynn ! je m'écrie, folle de joie.

   Je me lève d'un bond et m'élance vers elle pour la prendre dans mes bras, mais ma perfusion, dont l'aiguille est toujours plantée dans ma peau, me tire en arrière et me cloue sur place, m'arrachant un râle de douleur.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant