Chapitre 10

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Le matin qui voit le départ du consort est clair et ensoleillé. Il doit rejoindre le château d'Aoba Johsai en deux petites semaines ; en théorie, dix jours suffisent amplement, mais le roi lui a imposé le transport par carrosse, peu désireux d'exposer son mari aux dangers du chemin. A cela s'ajoute, naturellement, une escorte de quatre cavaliers.

Après ses adieux et promesses à Daichi, Suga descend les escaliers de pierre de la tour royale, suivi par un domestique qui porte ses affaires. Il traverse la cour où résonnent déjà le cliquettement des épées ; la réforme militaire a été fructueuse, et des centaines de jeunes gens ont afflué au château pour apprendre le maniement des armes. Il traverse la cour d'un pas souple, et n'est qu'à moitié étonné de trouver Kageyama sur son chemin.

-Pars devant, je te rejoins, intime le consort au serviteur.

Il ralentit le pas tandis que l'archer s'approche pour le saluer. Il est désormais capitaine, et les fonctions de commandement lui vont à merveille ; même si Tobio a parfois des difficultés à approcher ses soldats et qu'il se distingue surtout par son autorité, son incontestable talent a convaincu beaucoup de jeunes recrues de choisir le tir à l'arc pour bénéficier de sa formation.

-Comment vas-tu ? demande Suga avec un sourire bienveillant.

-Je vais bien, répond Kageyama. Les archers sont un peu à l'étroit dans la cour principale, j'ai hâte qu'on ait la nôtre.

Les travaux vont de bon train à Karasuno ; pour accueillir tous les nouveaux soldats, de nouveaux bâtiments et de nouvelles cours sont en construction. Pour l'instant, toutes les divisions cohabitent dans la cour d'entraînement principale, quoique les cavaliers aillent souvent manœuvrer à l'extérieur faute de place.

-Je suis heureux de voir que tu es un bon capitaine, le félicite chaudement Suga.

Il hésite un instant, conscient que Tobio n'est pas là par hasard, et opère la transition lui-même :

-Je suis bien conscient que cette responsabilité est aussi une entrave. Est-ce que... Tu as une requête pour moi, à propos du voyage que je m'apprête à faire ?

Kageyama baisse les yeux, et affiche cette moue caractéristique que Suga commence à connaître :

-Vous allez le voir.

Le consort hoche doucement la tête. Il n'a pas manqué de remarquer que pas une fois depuis qu'il le connaît, et même depuis qu'il a percé son secret, Tobio n'a prononcé à voix haute les syllabes du nom d'Oikawa ; comme si sa personne lui était sacrée.

-Tu veux que je lui dise quelque chose de ta part ? propose doucement Sugawara.

Kageyama soupire.

-Les seuls mots que je voudrais lui transmettre lui ont déjà été dits par Iwaizumi. Bien sûr, il y a des tas de choses que j'aimerais qu'il sache... Que sa transformation n'a pas d'importance à mes yeux, que mes sentiments ne changent pas, que je suis prêt, à présent, à assumer pleinement mon rôle de consort. Tout cela, c'est à moi de le lui dire...

Il mordille ses lèvres :

-Tout ce que je peux vous demander, c'est d'être observateur, pas d'être mon intermédiaire. Si vous pensez qu'il est sincère dans ses vœux, s'il vous paraît en bonne santé malgré la malédiction, ce genre de choses. Pour que je sache quand et en quels termes je le reverrai, termine-t-il en baissant la voix.

Le consort acquiesce, compréhensif. Il ne peut pas nier ressentir de l'appréhension quant à ce voyage –l'idée de rencontrer un roi démon est particulièrement angoissante, de même que celle de porter des informations secrètes. Il sait qu'un mot mal interprété pourrait être le point de départ d'une guerre...

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant