Chapitre 13

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La nouvelle de la guerre a été soudaine, et Hinata ne sait pas comment réagir.

D'un côté, il est impatient. La guerre est l'occasion de mettre en pratique tout ce qu'il a appris pendant ces longues années d'entraînement, d'affronter un ennemi réel dans des combats non moins réels ; c'est l'opportunité de devenir un héros, un chevalier légendaire, le sauveur de son royaume. Il a l'impression que c'est un aboutissement, ce qui donne un sens à sa formation. Et en même temps, l'angoisse l'étreint lorsqu'il prend conscience qu'il va risquer sa vie, mais aussi celle de ses amis. Comment surmonter la perte de ses compagnons d'armes ? La mort leur semble tellement lointaine !

Ce qui l'inquiète, aussi, c'est Kageyama. Il n'a rien osé lui dire pendant l'assemblée officielle où le roi a fait sa déclaration, pas davantage au dîner ni dans le dortoir, trop exposés pour évoquer le royaume d'origine de l'archer. Le lendemain, ils ont chargé des charrettes entières de fournitures de guerre soigneusement rangées depuis des années, des tas entiers d'armes, de pièces d'armures, de vêtements, de tentes repliées, de mobilier même, pour la tente royale ; tout le monde a mis la main à la pâte pour être prêts au départ, et alors que les serviteurs s'occupaient d'y ajouter les vivres, les soldats étaient informés des stratégies à mettre en place par Azumane.

-Les archers tireront une première salve, puis les cavaliers interviendront pour décimer les troupes adverses. Les fantassins n'interviendront qu'ensuite, lorsque les ennemis seront isolés et déboussolés après les charges.

Des schémas sont montrés, décortiqués, expliqués, pour laisser le moins de chances possibles au hasard. Hinata se trouve près de Kageyama, comme à son habitude, et lui jette fréquemment des regards furtifs pour saisir son expression ennuyée, un peu dubitative devant la stratégie mise en place. Azumane situe les armées d'Aoba, qui doivent être à la frontière, à présent ; il invoque la pensée des paysans innocents qui risquent le massacre, des villes pillées, peut-être des amis ou des familles de soldats du château mis en danger. Sur ce, ils forment une longue file où alternent soldats à pied, cavaliers et chariots.

Ils marchent pendant des heures de suite le long du chemin vers le nord, plat et bordé de verdure, et Hinata soupire de soulagement quand le commandant indique où s'arrêter pour la nuit. Le roi dépêche quelques éclaireurs pour partir devant, repérer aussi loin que possible les mouvements de l'ennemi. Il faut encore monter les tentes, allumer les feux, préparer le repas ; Hinata se retrouve en corvée d'épluchage, tandis que Kageyama, qui lui adresse un demi-sourire railleur en passant derrière lui, s'en trouve dispensé grâce à son grade.

Ils mangent tous ensemble, cependant, par petits groupes autour du feu, le nez dans leurs gamelles métalliques. L'excitation est perceptible, surtout parmi les dernières recrues, qui ne cessent de poser les mêmes questions, imaginer le déroulement des batailles, supposer les raisons de la guerre. Le roi passe parmi ses soldats, a un mot pour tous, un encouragement pour chacun ; Sugawara, quant à lui, est resté au château pour gérer les affaires intérieures.

-Kageyama, tu veux faire un tour ? demande Hinata une fois qu'ils ont fini de manger. Comme j'ai épluché les légumes, je n'ai pas à faire la vaisselle.

Tobio hausse vaguement les épaules et acquiesce. Ils s'éloignent un peu, dépassent les dernières tentes ; ils ont établi leur camp près du bras d'une rivière, et les deux soldats décident de suivre le courant. Ils se laissent un instant de paix, seuls résonant le bruit étouffé par la poussière de leurs pas le long de la rive sinueuse et le clapotis régulier de l'eau.

-Ça va aller, Kageyama ? demande Hinata avec toute la subtilité dont il est capable. Je veux dire, Aoba... Tu vas peut-être tomber sur d'anciens frères d'armes.

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant