Chapitre 29

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Deux semaines qu'ils sont confinés dans leur suite. Iwaizumi a pu compter les jours depuis qu'ils ont été installés là, ayant enfin retrouvé une hygiène de vie correcte ; au fond, il est profondément reconnaissant à Azumane d'avoir amélioré leurs conditions de détention.

Ils n'ont eu droit à aucun visiteur, quoiqu'il ait plusieurs fois entendu des éclats à la porte, d'archers réclamant de voir leur capitaine ; les gardes ne s'étaient pas laissés faire, et rien n'était venu troubler leur isolement, mis à part les serviteurs escortés qui leur amenaient régulièrement leurs repas, trois par jour, l'eau du bain et tout ce qu'ils réclamaient, que ce soit du papier et de l'encre, des livres ou des couvertures.

Un des guérisseurs était également venu pour s'assurer que Kageyama était en bonne santé –et à part les marques de strangulation, il n'avait pas trop souffert de la bataille. Sa voix cassée lui revenait peu à peu, mais ça ne l'empêchait pas de se montrer mutique la plupart du temps –d'ailleurs, Iwaizumi n'était pas loquace non plus, et le silence régnait en général dans leurs appartements.

Les journées passaient et s'accumulaient lentement. Iwaizumi lisait ou écrivait, essayant de mettre de l'ordre dans ses pensées, de réfléchir à quoi dire, quoi faire, pour se sortir d'ici sans souiller son honneur pour autant. Il aimait aussi se mettre tranquillement à la fenêtre, d'où il voyait les soldats s'entraîner ; ça lui rappelait Aoba, la place qu'il y occupait, ses soldats... La plupart de ceux qu'il avait entraînés étaient morts dans les deux batailles, il le savait bien. Et même sans connaître tous leurs noms ni tous leurs visages, il en concevait une sourde douleur.

Tobio dormait la majorité de la journée, ou du moins faisait semblant. Iwaizumi aurait voulu trouver les bons mots à lui adresser, mais soit il n'en avait pas idée, soit ils restaient bloqués dans sa gorge. Il songeait donc majoritairement pour lui-même : où était Oikawa ? Il avait dû rejoindre Aoba, à présent, s'enfermer dans la forteresse ; mais dans quel état était-il ? C'était ce qui inquiétait le chevalier par-dessus tout. Comment son roi et son meilleur ami pouvait-il bien surmonter ce qui s'était passé ? Ce qu'il croyait voir comme une preuve d'infidélité, la tentative de meurtre presque réussie ? Avait-il seulement idée de la terrible erreur qu'il avait commise ?

Même sans le voir, même sans rien savoir, le chevalier devinait aisément qu'Oikawa devait être dans une situation psychologique absolument catastrophique. Etait-il révolté de colère, abattu de tristesse ? Alternait-il les phases, passant de la dépression à l'agitation ? Et Atsumu, à ses côtés, essayait-il de le calmer, ou au contraire attisait-il ses pulsions ? Une part d'humanité avait-elle survécu, ou n'était-il désormais qu'une créature du mal avide de violence, trop brisée pour revenir ?

Enoncer cela à voix haute ne ferait que blesser Tobio, et il restait donc seul avec ses pensées. En général, malgré son désir de consoler l'archer, ils n'échangeaient que peu de mots, et de pure politesse dans presque tous les cas ; se souhaiter bonne nuit, bon appétit, demander qui irait en premier au bain, commenter telle ou telle chose, mais rien qui ne les ramenait vraiment sur leur terrain commun, sur leur passé, sur l'homme qui occupait toutes leurs pensées.

La nuit était un peu différente. Ils partageaient le même lit, et Iwaizumi s'était vite rendu compte que plus qu'une question de confort, c'était presque une nécessité. Le deuxième soir dans leur tour, il avait retardé au possible l'heure de son coucher, se souvenant avec peine de la veille, du nom à demi murmuré... Il était resté à un bureau, parcourant distraitement un livre de légendes et prenant des notes sur celles qu'il ne connaissait pas encore. Il commençait tout juste à somnoler...

-Non !

Le chevalier se retourna violemment vers le lit d'où venait le cri, soudain alerte, simplement pour voir Kageyama assis au milieu des couvertures, haletant, trempé de sueur. Un cauchemar, songea-t-il. Ce n'était pas la première fois –l'archer avait largement matière, dans son passé, à se créer de sombres rêves. Il se leva, prenant soin de ne pas paraître brusque, et s'assit au bord du lit à côté de Tobio. Il avait l'envie de passer sa main dans ses cheveux pour l'apaiser, de repousser en arrières ses mèches noires collées à son front, mais se retint, optant pour un sourire rassurant, compréhensif :

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant