Chapitre 11

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C'est la première fois de son existence qu'Oikawa se déplace par bateau. Confiné au château depuis sa plus tendre enfance, il n'a jamais eu l'occasion de voyager hors de son territoire, préférant –ainsi qu'il a été éduqué- envoyer des représentants, parfois Iwaizumi, pour le remplacer lors de cérémonies officielles tenues dans des royaumes lointains. Il est le seul héritier mâle de sa lignée, et sa sécurité doit être préservée à tout prix.

Il découvre avec plaisir les joies d'arpenter le pont, de se tenir à la proue, face au vent ; la sensation de liberté est totale. Ils ne sont pas en haute-mer, se contentant de longer les côtes de Nekoma et de Karasuno jusqu'au port d'Inarizaki ; ce mode de transport permet de rallier aisément et avec rapidité les deux royaumes.

La simple pensée d'Atsumu ébranle les nerfs du roi. Au vu de sa politique traîtresse et de sa lettre insolente, il ne peut qu'imaginer le genre d'homme qu'il va rencontrer, et il craint ce qu'il a pu faire de Tobio. La situation lui rappelle douloureusement l'épisode de Shiratorizawa... mais il a le sentiment qu'Atsumu est infiniment plus dangereux qu'Ushijima.

Que peut-il bien avoir qui puisse intéresser Oikawa, si ce n'est son mari ? Et surtout, voudra-t-il bien le lui rendre ?

Le roi sait que son cadeau intéressera à coup sûr Atsumu. Depuis le départ de Tobio, il a eu tout le temps de se plonger dans les ouvrages de magie, de découvrir toutes les règles et les méthodes qui constituent l'apprentissage des mages. Une information, en particulier, a retenu son attention ; en effet, si un mage ou un sorcier tue l'un de ses pairs, ses pouvoirs se doubleront de ceux de sa victime. Cela explique pourquoi tant de créatures magiques ont disparu du continent, victimes de guerres et de traîtrise dans leur quête d'un pouvoir toujours plus grand... Et cela donne à Oikawa une excellente occasion de se débarrasser définitivement de Tendou.

Il a laissé le sorcier dans la cale, ligoté dans le noir, et s'est résolu à ne jamais le voir, pas plus qu'au château. La malédiction a été lancée, et Tendou ne peut de toute façon plus rien faire pour l'annuler ; sa mort ne changera rien, mais apportera un bénéfice certain à Atsumu. Cela suffira-t-il à convaincre le mage ? Sa soif de pouvoir est claire, et ce cadeau a des chances de retenir son attention.

Oikawa a un peu menti à Iwaizumi ; il ne recevra pas Atsumu sur le bateau. Il n'aurait de toute façon eu aucune chance d'attirer le mage à lui de cette manière, ce qui aurait trop ressemblé à un guet-apens : il est convenu qu'ils se rencontreront non loin du port, dans le château d'été des rois d'Inarizaki.

Le roi se sent anxieux en quittant le navire et en posant pied sur le territoire d'Inarizaki, si loin de chez lui. Une petite délégation l'attend pour l'escorter jusqu'à Atsumu : ils se dirigent tous ensemble vers le château, gardes d'Inarizaki comme gardes d'Aoba, le roi au milieu d'eux et Tendou derrière. Oikawa lève ses yeux rouges sur les hautes murailles sombres : est-ce là qu'est Tobio ? Ils franchissent les portes et pénètrent dans l'enceinte.

-Le roi Atsumu va vous recevoir, déclare un garde royal en s'inclinant. Il est dans ses appartements.

Oikawa et sa garde s'avancent tous ensemble, mais le soldat tend un bras pour les empêcher d'aller plus loin :

-Juste vous, Majesté.

Oikawa sent les regards perplexes et méfiants de ses hommes posés sur lui, mais feint une attitude confiante et hoche la tête :

-Ça ira, je vous remercie. Attendez-moi ici.

Il se retourne pour suivre le garde royal. Il sait que son pas est ferme, que son expression est impassible ; mais à l'intérieur, il sent l'appréhension croître et son cœur battre à ses oreilles. Finalement, ils arrivent devant une porte de bois noir, et le soldat s'incline, signifiant que sa mission est terminée et que le roi est arrivé. Oikawa le remercie d'une geste, inspire un grand coup et ouvre la porte.

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant