Chapitre 17

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Il est à peine midi lorsque les armées d'Atsumu arrivent et s'installent autour du château de Karasuno, venant ainsi renforcer celles d'Aoba et le siège déjà établi. Leurs tentes noires se dressent sur tout l'ouest et le sud du château, tandis qu'Oikawa fait décaler ses troupes en fonction pour occuper l'est et le nord.

Le roi passe parmi ses hommes pour évaluer leur moral, essayer de remplir le rôle qui devrait être celui d'Iwaizumi. Il a immédiatement fait sonner la retraite après avoir vu le commandant blessé, tiré de l'autre côté du rempart de Karasuno, et l'inquiétude ne lui a pas permis de fermer l'œil de la nuit. Tobio s'occupera de lui, songe-t-il fébrilement, mais il craint que l'état du chevalier ne se dégrade ou que Karasuno ne choisisse de s'en débarrasser, même si ça ne ressemble pas à la politique du roi Sawamura.

Après la fin des combats, ils ont brûlé les cadavres restés sur le champ de bataille pour éviter d'attirer les charognards et les infections. Les soldats avaient encore dû fournir un effort pour entasser les corps, ceux de Karasuno aussi bien que les leurs ; ils avaient ajouté du bois pour former un bûcher, et procédé aux crémations dans un lourd silence seulement rompu par les crépitements alors que les corps partaient en fumée.

Oikawa s'arrête à hauteur d'un petit groupe de trois soldats assis autour d'un feu, en train de faire cuire leur repas, et les reconnaît vaguement. Quand les hommes lèvent les yeux sur lui, ils se mettent aussitôt debout pour s'incliner profondément.

-Asseyez-vous, leur dit le roi. Quels sont vos noms ?

-Kyoutani Kentarou, se présente le premier dans une voix rauque qui évoque presque grognement. Je combats à pied.

-Yahaba Shigeru, déclare le deuxième. Pareil, je suis un fantassin.

Le troisième ne répond pas, se contente de fixer le roi avec des yeux vides et pesants.

-Et lui, c'est Kunimi, un archer, se hâte de répondre Yahaba à sa place. Il ne faut pas lui en vouloir, Majesté. Il a perdu son meilleur ami dans la bataille hier, alors il est un peu abattu.

-Qui était-ce ? demande le roi.

-Kindaichi Yuutarou.

Les yeux du monarque s'écarquillent alors qu'il se souvient d'une phrase prononcée si longtemps auparavant... Tobio avait parlé d'eux. Il avait dit que c'était ses frères d'armes, les avait cités comme les plus susceptibles de lui tenir compagnie... Oui, c'était ce jour où Oikawa l'avait attendu dans sa chambre, peu après leur mariage et avant l'arrivée de Shiratorizawa.

-Je suis désolé, lâche-t-il d'une voix que les souvenirs altèrent.

Il reprend son chemin, laissant les trois hommes un peu perplexes. Kunimi a entouré ses genoux de ses bras, contemplant d'un air faussement neutre la petite marmite suspendue au-dessus du feu ; Kyoutani mord férocement dans un bout de pain tandis que Yahaba se retourne enfin vers eux, ayant suivi des yeux le dos du roi jusqu'à ce qu'il disparaisse :

-Il avait vraiment l'air navré, commente-t-il. Finalement, il est peut-être plus humain que ce qu'on dit. Même si ses yeux rouges font peur.

-Tu as peur de tout, de toute façon, grommelle Kyoutani tout en mâchant. Je ne comprends pas comment tu as survécu à la bataille.

-Parlons d'autre chose, tu veux ?

-Je ne vois pas pourquoi. Tout le monde a eu des pertes. Même le commandant a été capturé.

Il se renfrogne en disant cela, et Yahaba jette un regard inquiet vers Kunimi avant de soupirer :

-Tout ce que j'espère, c'est que Karasuno se rendra assez vite pour éviter qu'il y ait trop de morts. J'ai entendu les lieutenants dire que de toute façon, Nekoma n'a pas le choix de passer par les montagnes s'ils veulent les aider, et que le temps qu'ils réussissent, tous les hommes de Karasuno seront déjà morts de faim.

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant