Chapitre 9

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Le temps semble s'écouler avec une rapidité décuplée pour le consort, qui voit se rapprocher la date de permission de Tobio. Cette échéance l'effraie d'autant plus qu'il n'a pas osé parler à l'archer de l'interprétation possible de ces retrouvailles, craignant de lui briser le cœur une seconde fois. Pire, il se trouve à présent le confident privilégié de Kageyama, et voit avec appréhension l'espoir grandir en lui quant à son mari.

Tobio semble beaucoup plus serein depuis qu'il a confié son secret au consort ; et sûrement la pensée qu'Oikawa, peut-être, l'aime toujours, l'anime également. S'il est assez intense au naturel, du moins semble-t-il de plus en plus à l'aise avec les autres soldats, et Suga le voit toujours en compagnie de Hinata pendant la journée, parfois accompagnés par Nishinoya, Tanaka ou Yamaguchi. Il ne peut s'empêcher de compter les semaines, et bientôt les jours qui séparent l'archer de son départ ; ce que Tobio lui-même rappelle régulièrement, lorsqu'ils s'entretiennent à l'endroit habituel sous un soleil de plus en plus long à disparaître.

Le consort s'est rendu compte de la difficulté qu'a dû avoir Kageyama à rester de marbre lorsqu'il évoquait son mariage ou son enfant, tous les fastes de la vie royale, tout ce qui touchait, sans qu'il le sache, aux secrets de l'archer ; à présent, il se sent dans cette même position, porteur d'une information qu'il ne sait pas comment dévoiler, forcé de conserver un masque de paix alors qu'il est traversé par la peine. C'est exactement ce qu'il ronge lorsqu'il écoute le jeune homme rêver aux options qu'il entrevoit à présent.

-Peut-être, dit-il un jour au consort deux semaines après les révélations, que je pourrais lui dire que je suis revenu sur ma décision. Il me pardonnera peut-être d'avoir hésité, maintenant que je suis sûr de moi.

-Tu es donc sûr de toi ? demande Suga en réfrénant les tremblements dans sa voix.

Tobio lui sourit. Il y a de la confiance dans ce geste pourtant rare chez lui, envers le consort, envers son destin. Garde le silence.

-Ce que vous m'avez dit m'a beaucoup aidé. Vous semblez en tirer tellement de bonheur... Et la pratique semble si simple...

Peut-être que c'est avec ta mort qu'il paiera la création de la vie.

-Peut-être que cet enfant sera à moitié démon, s'inquiète soudain Kageyama, puis retrouvant son calme : mais ça ne fait rien. Cela m'est égal. Tant que c'est le sien...

Il s'accoude à la muraille, plongé dans la contemplation du paysage. A présent, Suga comprend pourquoi ce lieu lui tient tant à cœur, et un frémissement le saisit.

-J'aimerais qu'il lui ressemble, déclare tout à coup Tobio.

-Doucement, le tempère le consort en souriant avec inquiétude. Ne te projette pas trop vite, d'accord ?

-Et pourquoi pas ?

Parce qu'il veut peut-être te tuer.

-Parce que tu ne sais pas encore à quoi t'attendre avec lui.

-C'est vrai, murmure Kageyama en fronçant les sourcils. Je ne sais pas si la transformation en démon influe sur sa personnalité.

Le consort plonge ses mains dans ses manches, songeur :

-Mon mari a écrit au mage Kenma au sujet de cette malédiction pour voir si nous pouvions faire quelque chose, mais il a été formel : ce changement ne peut résulter que d'une malédiction, et le seul moyen d'y mettre un terme est de trouver et d'accomplir la clef de celle-ci.

-La clef ?

-Quand un sorcier ou un mage maudit une personne, ce n'est jamais entièrement définitif. Il y a toujours une solution possible dont il décide au moment de l'imprécation.

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant