Chapitre 31

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Iwaizumi est convié au conseil de guerre, et il ne sait pas s'il doit le prendre comme un honneur ou comme une mauvaise blague. Depuis leur libération, la veille, il n'a pas vraiment osé profiter de sa liberté restaurée pour se promener dans le château, préférant la sécurité de sa chambre même après y être resté confiné des semaines ; et puis, il ne peut pas prévoir comment l'accueillera le peuple qu'il a combattu. Il reste un prisonnier de guerre, après tout, et pas des moindres.

Il décide de s'y présenter, cependant. Ce sera toujours mieux que de rester seul à lire ou à ruminer ses pensées ; même s'il reste bouche cousue pendant que Sawamura expose ses plans, revenir un peu dans le cadre militaire lui fera du bien, doive cela être pour marcher contre son royaume d'origine et d'allégeance. Il s'habille sobrement avec les vêtements que les serviteurs lui présentent –les noirs de Karasuno, qui lui font un peu froncer le nez. A Aoba, il était toujours vêtu de blanc et de turquoise, les couleurs du royaume ; mais s'il veut continuer à bénéficier de l'indulgence de Sawamura, autant se mettre dans ses bonnes grâces... du moins tant qu'il ne trahit pas son honneur. Il passe à sa ceinture une épée d'apparat, moins lourde et plus ornée que celle qu'il manie à la guerre –mais celle-ci doit être au fin fond de l'armurerie, et soigneusement conservée hors de sa portée.

Il se fait escorter jusqu'à la salle de réunion, et trouve déjà rassemblés autour d'une carte les puissants et les gradés –les trois rois, Osamu ainsi qu'un homme qu'il identifie comme Yamamoto, le commandant en chef des armées de Nekoma ; quelques autres se trouvent là aussi, lieutenants ou stratèges. Il cherche Kageyama des yeux, et le trouve au moment où sa voix s'élève derrière lui :

-Vous êtes déjà là, commandant.

Iwaizumi a envie de sourire à cette appellation dont l'archer ne peut se détacher –Azumane est pourtant son général officiel, désormais... Ou plus tout à fait, songe-t-il tandis que son sérieux lui revient. Si Kageyama est ici en tant que futur monarque d'Aoba, le titre qu'il donne à Iwaizumi n'est plus seulement une apostrophe respectueuse à un supérieur –c'est juste la reconnaissance officielle de sa fonction. Roi et commandant en chef sont en général amenés à se côtoyer tous les jours.

Cette hypothèse est aussi confirmée par le ton de l'archer. Ce n'est pas une question rhétorique qu'il a posée, seulement une constatation –peut-être même recèle-t-elle une part de satisfaction, comme si c'était Kageyama lui-même qui l'avait convoqué aujourd'hui. Un instant, Iwaizumi est déboussolé en voyant Tobio se tenir là –depuis le petit archer discret d'Aoba à ce qu'il est aujourd'hui, en passe de devenir le nouveau souverain d'un royaume vaste et puissant... Il a évolué si vite, et s'en rendre compte tout à coup sidère brièvement Hajime.

Cela l'inquiète, aussi. Kageyama est-il vraiment déterminé à obtenir la couronne d'Aoba, celle que lui a fait miroiter Daichi ? Qu'en est-il de son mariage, de ses serments ? Même si les erreurs successives d'Oikawa conduisent irrémédiablement à cette issue, l'archer y a-t-il renoncé tout à fait pour accepter ce nouveau rôle sans se poser de questions ? Iwaizumi le scrute avec attention tandis qu'il rejoint ses pairs ; la démarche confiante, le menton levé, le regard franc comme toujours, Kageyama est quelqu'un qui sait ce qu'il veut, et les regards curieux qui convergent vers lui se heurtent à son indifférence un chouïa dédaigneuse. Son comportement n'est pas sans rappeler celui d'Oikawa... et au fond, cela fait chaud au cœur d'Iwaizumi.

-Bonjour à tous, salue le roi Daichi en parcourant des yeux ses alliés. Merci d'être venus. Je tiens à vous présenter mes excuses les plus sincères pour ne pas avoir pris cette initiative plus tôt, mais il est temps de mettre un point final à la guerre qui nous déchire. A l'heure qu'il est, Oikawa et Atsumu ainsi que le reste de leurs armées ont dû rejoindre la forteresse d'Aoba Johsai, et se préparent pour le dernier affrontement. Nous allons marcher contre eux tous ensemble : nos effectifs sont extrêmement encourageants et présagent une victoire aisée de notre part.

Memento Amari - IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant