Memento Amari - II

Chapitre 28

Quand Hinata se réveille, le soleil est à son zénith.

Il a la tête lourde après les festivités de la veille. Ses camarades et lui se sont gavés au banquet, tant des mets que du vin, retrouvant pour la première fois une table décente, et bien plus même : poulets aux ailes craquantes et luisantes de gras, pain tout juste sorti du four à la mie fondante, fruits confits laissant les doigts englués de sucre, ils avaient cru que leurs sens leur jouaient des tours tandis que les plats défilaient. L'alcool coulait à flots, aussi, et Shouyou s'était saoulé comme les autres dans l'espoir d'oublier ses tracas.

Cela avait échoué, bien sûr. Comment ne pas voir les deux places vides sur l'estrade, les places centrales pourtant, celles du roi et de son prince consort ? Daichi était absent, et tous ne pouvaient qu'imaginer son état, pour qu'il rate la soirée célébrant la libération du château et du royaume, et le renouvellement de leur alliance avec Nekoma et Fukurodani. Tous y pensaient, et les regards s'attristaient soudain en s'attardant sur le siège qu'occupait habituellement Sugawara.

Le reste de la tablée royale était tout de même bien garnie : Azumane se tenait là ainsi que les deux couples royaux. Le roi Kuroo était un homme grand et mince, les cheveux d'un noir de jais et rebelles sous une couronne d'argent. Ses yeux étaient pâles, et un sourire amusé semblait constamment étirer ses lèvres minces –ses mouvements étaient vifs, lestes, remarqua Hinata, et il ne manquait pas de murmurer régulièrement à l'oreille de son promis.

Le prince Tsukishima était enfin de retour au château, semblable au souvenir dont gardait Hinata : des cheveux blonds et courts, une haute taille, des manières soignées. Il souriait peu, portant toujours une expression réfléchie ou ennuyée... Le voir raviva le souvenir de Yamaguchi, et Shouyou se hâta de détourner les yeux pour les reporter sur le roi Bokuto.

Celui-ci était proprement flamboyant. On entendait sa voix résonner dans toute la salle, et chacun de ses gestes était ample et large, trahissant toute son énergie ; ses cheveux étaient clairs, striés de gris et de noir, et il avait de grands yeux ocre sous des sourcils arqués. A côté, son consort, un homme aux cheveux noirs, semblait d'un calme absolu.

-Ils ont déjà des enfants, glissa Tanaka à Hinata. Mais ils les ont laissés à Fukurodani pour leur sécurité. Normalement, le consort aurait dû rester là-bas aussi, mais il paraît que le roi et lui sont inséparables.

Tout comme l'étaient Daichi et Suga, songea amèrement Hinata. Comme tout beau couple devrait l'être. Il repensa à Tobio, qu'il avait embrassé sans se poser de question... Tobio qui lui avait confié, aux bains, ne pas être un novice en matière d'amour. Aimait-t-il toujours la personne dont il avait parlé ce jour-là ? Hinata savait qu'il avait agi impulsivement, égoïstement, mais il avait cru sa dernière heure venue et avait au moins voulu connaître la saveur d'un baiser.

-Et Kageyama ? demanda-t-il donc, ses mots découlant de ses pensées. Il est toujours en prison ?

-Toujours, confirma sombrement Tanaka. Ou même s'il n'est plus dans un cachot, il reste sous bonne garde. Ils l'ont mis avec le commandant d'Aoba...

Le soldat pinça les lèvres d'un air sceptique, passant une main sur son crâne ras :

-Tu crois que ces rumeurs sont vraies, alors ? Qu'il viendrait d'Aoba ? Autrement, pourquoi on les aurait laissés ensemble ?

Hinata connaissait déjà la vérité. Et il n'était pas le seul, découvrait-t-il ; le roi de Karasuno semblait tout aussi informé, pour avoir pris cette mesure. Azumane aussi, probablement... et Osamu, qui savait bien que cet archer n'avait jamais été à lui. Tous les puissants étaient conscients de qui était vraiment Kageyama... et peut-être en savaient-ils même plus long que le chevalier lui-même.