Rouges.
Les yeux d'Oikawa sont rouges.
C'est tout ce que voit Hinata tandis que la mort referme ses bras autour sa conscience. Un rouge sanglant, luisant de passion et suintant de haine, un rouge intense –deux cercles écarlates autour du trou noir de la pupille dilatée, un anneau incarnat et fixe, dur comme le rubis et brûlant comme le magma.
Puis, plus rien.
L'arc choit au sol, et Tobio se précipite vers Oikawa. Ses mains se trempent de sang quand elles effleurent les plaies qu'il a lui-même infligées, et tremblent lorsqu'il tient finalement le corps frémissant d'Oikawa contre lui. De la poitrine du roi jaillissent trois éclats de bois décorés de plumes noires, et sur le tissu imbibé de pluie fleurissent de larges taches vermeilles.
Il respire encore, mais son souffle faiblit tandis que la vie s'écoule hors de lui. Kageyama serre le corps inerte du monarque plus fort contre lui et murmure d'une voix rompue de sanglots :
-Pardonne-moi, je ne pouvais pas –Oikawa, je t'aime-
Les larmes dévalent ses joues, amères, leur sel à blanc contre la peau tendre et blafarde.
-Je t'aime, je t'aime-
Le regard du roi, enfin, se fixe sur Tobio. Colère et douleur se sont effacées de ses yeux humides, laissant place à une douceur insoupçonnée, à cette tendresse qu'il n'a jamais réservée que pour lui... Les lèvres pâlissantes d'Oikawa sont entrouvertes, mais lorsqu'il veut parler, seul un filet de sang s'échappe à leur commissure. Ses doigts effleurent le visage de son mari dans un dernier effort, laissant une trace rougeâtre aussitôt diluée par les larmes.
La mort le cueille dans cette dernière étreinte. Sa main retombe, inanimée, sur le tissu souillé, et une unique goutte –de remords, de regrets, de bonheur peut-être- roule sur sa joue d'albâtre.
-Non, non, balbutie Kageyama.
Ses mains pâles et visqueuses de sang s'accrochent désespérément au corps de son mari –mais c'est terminé, terminé. Au moment où cette réalité s'ancre en lui, confusément, qu'Oikawa ne le regardera plus, ne lui sourira plus, qu'Oikawa n'est plus, son cœur se brise définitivement. Tout ce qu'il peut faire, désormais, est de se pencher sur le corps, et de presser son visage contre l'épaule encore tiède du roi pour y étouffer ses sanglots.
Les yeux du roi sont presque clos, mais l'iris apparaît encore sous une rangée de cils noirs. Il est vitreux, à peine visible, mais on en distingue clairement la couleur.
Bruns. Les yeux d'Oikawa sont bruns.
*
Le soir commence à tomber. Le ciel est lourd, couvert, les nuages encore noirs même après l'orage ; l'air est humide et froid, presque brumeux, s'attachant aux pas des hommes sur la terre mouillée.
Les rois ont de nouveau été réunis au sein du bastion, avec à leur disposition du vin et de la nourriture ; ils y sont revenus dès que la nouvelle de la mort d'Atsumu leur est parvenue. Daichi est assis à une petite table, songeur, les mains jointes ; Bokuto parle avec virulence à quelques soldats de son royaume qui lui font leur rapport. Le roi Kuroo est à côté de son mage le temps que celui-ci soigne la blessure infligée par le prince d'Inarizaki : les doigts de Kenma, ouverts, errent au-dessus de la plaie, nimbés d'un léger halo doré. Iwaizumi, enfin, est debout à la fenêtre, anxieux, essayant de percevoir quelque chose tandis que l'horizon s'obscurcit.
Osamu n'est pas avec eux. Il a choisi de demeurer avec la dépouille de son frère, malgré tout, malgré ses trahisons et ses meurtres, considérant que cela relève d'un devoir fraternel. Le corps d'Atsumu est pour l'instant entreposé dans l'infirmerie du bastion, déserte, celle des soldats se trouvant directement sur le champ de bataille, pour éviter les regards curieux et les réactions hostiles. L'information de son décès, quant à elle, a été amplement propagée parmi les soldats, tant pour leur donner un regain d'énergie que pour démoraliser les troupes d'Inarizaki.
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Memento Amari - II
FanfictionAlors que la guerre civile a éclaté à Inarizaki, Tobio doit faire ses propres choix. Rejoindre un mari qui l'a repoussé sans même lui donner ses raisons ? Trouver un nouveau foyer ? Ou rester fidèle à Osamu... Et s'exposer à la magie du prince-mage...