Three

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Il nous faut une bonne heure, d'après la montre à mon poignet, pour arriver à ce qu'ils appellent « le camp ». Une heure où j'essaie de trouver le juste milieu, entre ne pas être trop collée à mon cavalier... et ne pas trop pencher. Je suis assez tombée aujourd'hui et je n'ai pas envie de donner ce petit plaisir à mon nouvel « ami ».

La nuit est tombée quelques minutes après notre départ de la frontière d'Arkand. Ma longue journée scolaire, mais surtout les événements incompréhensibles qui me sont arrivés mêlés au trot régulier du cheval, m'ont fait un peu fermer les yeux durant quelques minutes. Suffisamment pour que je me mette à avoir des hallucinations en me redressant juste après ma petite sieste — si on peut appeler ça une sieste —. Mais, après avoir été transportée, je ne sais pas où, par une fumée bleue et m'être fait attaquer par une liane, ou une racine qu'importe, ma définition du mot « hallucination » n'est plus vraiment ce qu'elle était. À vrai dire, j'ai la très nette impression que beaucoup de choses devront être remises en question dans mon esprit.

L'hypothèse du rêve est celle que je préfère, même si j'ai dû la rejeter presque automatiquement à mon arrivée dans cet endroit étrange. J'essaie de faire au mieux pour rester calme et ouverte d'esprit, mais j'ai bien voulu à certains moments m'enfuir en hurlant comme une folle. Je sais, ça n'aurait pas arrangé grand-chose et aurait aggravé l'image que mes sauveurs ont de moi. Et, encore une fois, ça aurait bien fait rire Allistaire, j'en suis persuadée.

C'est ironique comme situation. Je devais faire un travail sur les contes de fées et j'atterris finalement dans un endroit où je me fais « sauver » par un gars tout droit sorti d'un film médiéval.

Arme : Check

Cheval : Check

Vêtements : Check

Avoir un arc pointé sur soi ? Pas check du tout !

Dommage, à quelques points près ça aurait pu faire un conte de fées tout ce qu'il y a de plus typique : la demoiselle en détresse sauvée par le preux chevalier sur son cheval blanc... ou brun.

Mon esprit est tourné vers ce foutu devoir et le schéma scénaristique qui découle de la plupart des contes. Je cherche la moindre chose pour détourner mes pensées des visions que j'ai, des événements que j'ai vécus. Quand l'école ne suffit plus, je pense à maman. Et là, c'est le désastre : il me faut toute la volonté du monde pour ne pas me mettre à pleurer à grosses larmes. Ou pour redevenir folle avec les nombreuses questions qui naissent dans mon esprit. Je finis par trouver la solution : user mon répertoire musical, plaçant ainsi mon esprit en plein concert de rock de U2. Je suis à peine à la moitié de « Beautiful Day » quand le cheval s'arrête net, manquant de me faire tomber.

De là où je suis, je n'aperçois rien. Il me faut attendre d'être descendue, avec l'aide du père Allistaire, que j'appellerais pour le moment Robin des Bois, pour m'ancrer dans le moment. J'étais comme dans une bulle quelques instants auparavant. Je ne voyais, ni n'entendais rien. Hormis la voix de Bono dans ma tête.

Le camp semble, à première vue, composé de dizaines de tentes et d'un chapiteau placé au centre, juste devant un grand feu de camp. Une vingtaine de personnes s'y attroupent, mêlant rires et conversations. Une odeur que je n'arrive pas à déterminer me réveille... ou réveille mon estomac. Ce que je viens de vivre m'a ouvert l'appétit et c'est, bien malgré moi, qu'un gargouillement se fait entendre et avertit Robin des Bois de ma soudaine envie.

— Nous allons vous trouver des vêtements plus chauds, me fait-il savoir avec un sourire. Et moins...

Il hésite sur le terme à opter. Je jette un regard à ce que je porte et, même si je ne vois pas le problème, j'imagine que mon accoutrement doit leur paraître aussi bizarre que le leur l'est pour moi.

Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant