Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)

Thirteen

J'ai tenté, au mieux, de résister, mais l'envie était plus forte au fil des minutes. Je me suis donc approchée, un peu timidement et avec crainte, et je me suis placée devant le grand miroir ovale à pied.

Mon Dieu ! Est-ce réellement moi dans cette robe à la douce couleur de la lavande ?

J'ai l'impression de ne plus du tout être la même personne, d'être soudainement mise en valeur et lumineuse. En même temps, difficile de faire autrement avec une telle robe et ce diadème aux diamants étincelants.

Ma main se glisse jusqu'à l'une d'entre elles très délicatement et caresse les autres après quelques instants d'hésitation. Je vais devoir faire attention à l'une de mes caractéristiques principales, la maladresse, qui s'accentue d'autant plus avec ces chaussures à talons — certes assez large et non en aiguille —. Honnêtement, j'aurais très bien pu m'en passer et l'idée de retrouver mes confortables baskets ne cesse de revenir me hanter depuis ces dernières minutes.

Le bout de mes doigts se trouve désormais sur ma robe, tellement douce et scintillante. Il va aussi falloir que je pense à faire attention à la moindre boisson que je pourrai tenir. Renverser les verres, c'est un peu mon talent — pas si — caché. Il y a vraiment trop de possibilités que je gâche cette soirée ou que je me fasse remarquer, bien malgré moi.

Plus les minutes s'écoulent, plus je me sens anxieuse. Heureusement, un petit coup à la porte met instantanément un terme à mes préoccupations les plus futiles. Je rejoins donc la porte d'entrée de ma chambre, avec facilité pour le moment, et l'ouvre. Je me sens encore plus soulagée de voir que je serai en bonne compagnie. Rien que l'image de Robin en face de moi, ça m'aide beaucoup. C'est la seule personne en qui je crois.

— Vous êtes magnifique, me complimente-t-il avec sincérité.

Je le remercie sans grand enthousiasme. J'aurais préféré vivre ce premier bal avec un autre sentiment, comme de la joie ou de l'émerveillement, mais dans cette situation, c'est quasiment impossible.

Je me demande à quoi aurait pu ressembler mon premier bal, si tout ça n'était pas arrivé. Si une effroyable sorcière n'avait pas menacé ma famille et que j'avais donc grandi avec mes deux parents, plutôt que d'avoir vécu en croyant que mon père m'avait abandonnée ou qu'il était mort. Je sais aujourd'hui qu'aucune de ces deux hypothèses n'est vraie et ça me met du baume sur une cicatrice qui m'a toujours tant fait souffrir.

— Vous êtes prête ?

— Je crois que je ne le serai jamais.

— Oh ce n'est qu'un bal, tente-t-il de détendre l'atmosphère.

— Mon premier bal, rectifié-je. Et je ne sais pas danser sur les musiques de mon époque, alors je ne préfère pas imaginer vos danses.

— J'essaierai de vous sauver si quelqu'un tente de vous mettre dans cette position fâcheuse, plaisante-t-il en me tendant son bras.

— Espérons que ça ne soit pas le cas ou je devrais sortir la carte de l'étrangère qui ne connait rien aux coutumes de votre monde... D'ailleurs, en parlant de ça, qu'est-ce que j'ai le droit de dire, Robin ?

— Le droit de dire ? Le Roi Arthur donne ce bal en votre honneur, il serait étonnant que les invités ne vous connaissent pas.

— Oui, mais... par rapport à mon voyage entre deux mondes ?

— Je crois qu'il vaudrait mieux poser la question directement à notre hôte.

C'est bon, j'ai compris !

Je passe mon bras autour du sien un peu poussée par la curiosité de voir à quoi peut bien ressembler un bal, mais surtout avec l'envie de trouver encore plus de réponses à mes questions. Nous descendons bon nombre d'escaliers, car le Roi Arthur a eu la bonne idée de me m'installer dans l'une des chambres les plus hautes du château, et arrivons dans un couloir très large où d'autres invités, vêtus de leurs plus beaux vêtements marchent dans la même direction. Il est évident que le bal se trouve par là et, alors que je m'apprête à suivre le mouvement de la foule, Robin prend un tout autre chemin. Je le questionne du regard et il ne met pas longtemps à m'expliquer.