Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)

Eighteen

J'aurais dû l'enlacer, comme je l'avais fait une demi-heure auparavant avec son épouse, mais je ne l'ai pas fait. La situation était différente. Elle était moins personnelle et la trentaine d'hommes qui n'attendaient que moi pour démarrer rendait cela difficile.

Maintenant, je le regrette. Alors que nous entamons la descente de Camelot, je suis prise de regrets à l'égard de mes hôtes. J'aurais voulu avoir plus de temps en leur compagnie, entendre plus d'histoires à mon sujet, même si ce processus est assez douloureux, car je n'ai aucun souvenir à partager en retour. J'ai toujours existé dans leur cœur et leur vie, alors qu'ils n'étaient qu'une invention dans la mienne. Les jours qui se sont écoulés auraient d'ailleurs pu être qu'une création de mon imaginaire.

— Nous allons repasser par le point d'Arkhar, Votre Altesse, m'informe Robin.

Je hoche la tête, pas particulièrement intéressée par l'itinéraire. Mon regard est plus concentré sur les habitants de Camelot qui arrêtent leur activité en voyant passer cet attroupement de chevaux et de chevaliers. Leurs yeux s'arrêtent en premier sur Cilhy, en tête, certains le saluant même. Il semble être connu dans les environs, voir même apprécié. Et puis... ils tombent sur moi, certainement moins intrigués que lors de mon premier passage en sens inverse. La plupart m'octroient un léger mouvement de tête en signe de respect pour « mon rang », d'autres hésitent sur la marche à suivre et me paraissent perdus. J'imagine que cela ne doit pas être très courant qu'une princesse disparue depuis une quinzaine d'années après avoir fui une terrible sorcière ressurgisse d'un coup.

La troupe s'arrête soudainement lorsqu'une jeune fille n'ayant pas plus de huit ans s'arme de courage pour zigzaguer entre les chevaux, qui auraient d'ailleurs pu la piétiner si la chance n'avait pas été avec elle, avec un objectif assez clair : moi.

— Doucement jeune fille, l'arrête l'un des deux cavaliers en face de moi.

Je n'avais pas fait très attention à la position des quelques compagnons de Robin dont j'ai retenu les prénoms, ce n'est que maintenant que je remarque qu'il s'agit de John, le fidèle bras droit.

— Où pensez-vous aller comme ça ? la questionne-t-il d'un ton faussement sévère.

La petite fille, visiblement impressionnée par la voix rauque et la hauteur de laquelle s'adresse son interlocuteur, a du mal à aligner plus de deux mots sans bégayer. Elle trouve néanmoins le moyen de se faire comprendre, en tout cas par John, car ce dernier la hisse et l'installe juste devant lui. En jouant avec les rênes, son cheval fait demi-tour et, s'installant à mes côtés, éveille ma curiosité. L'adorable petite blondinette me sourit timidement et, après avoir eu l'approbation de John, me présente... une couronne de fleurs.

— Vous n'aviez pas de... diadème, termine la fillette après réflexion, alors je vous en ai fait un.

— Oh, je laisse échapper par surprise en me saisissant délicatement de l'objet.

— La Princesse Thalya en a un... Le mien n'est pas très joli, mais...

— Non ! je la contredis aussitôt, touchée par son geste, ta couronne de fleurs est magnifique... Hum... Comment t'appelles-tu ?

— Hicha.

— Merci, Hicha, c'est vraiment magnifique.

L'enfant esquisse un sourire et continue à me regarder, attendant manifestement quelque chose de ma part... Mais quoi ?

Ah oui, c'est pourtant évident !

Je lève les bras au-dessus de ma tête avant de déposer avec douceur la couronne sur ma tête. Son sourire s'intensifie presque aussitôt, une certaine fierté se dessinant par la suite dans ses traits.