Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)

Fifteen

Je n'aurai jamais cru, à cause de ma timidité, être capable de subir une telle soirée. « Subir » n'est même pas le mot approprié. J'étais persuadée, quelques minutes avant d'entrer dans la salle, que je ne me sentirais vraiment pas à ma place, que je ne serais pas capable de parler correctement ou même de tout simplement aligner deux mots à la suite. J'étais effrayée face à cette foule d'inconnus qui semblaient, eux, tous me connaître et me respecter du haut de mes dix-sept ans. J'étais mal à l'aise face à ce manque total de connaissance de ce monde.

Mais plus les heures se sont écoulées, mieux cela s'est passé avec la discussion et les questions que l'on pouvait me poser. Elles ont d'ailleurs été très nombreuses et certaines de mes réponses n'ont pas été à la hauteur de la curiosité de mes interlocuteurs. Une grande partie était compréhensive, ce n'était vraiment pas évident pour moi d'expliquer le fonctionnement d'un monde tout à fait différent, car... plus évolué ? J'utilise sûrement le mauvais mot dans ma tête et je me voyais mal l'exprimer aux invités du Roi. Loin de moi l'envie de créer un incident diplomatique entre le pays qui est censé être le mien et l'un des sept autres royaumes (je vois mal le Roi Arthur devenir l'ennemi de ma famille).

En résumé, cette soirée a été... incroyable, malgré les circonstances et quelques moments gênants, comme les invitations à danser ou les interrogations auxquelles je n'arrivais pas à trouver de réponses.

Une belle soirée, de belles rencontres et révélations... ainsi que le sentiment d'avoir perdu mon temps. C'est triste à dire, c'est cependant ce que je ressens lorsque je décide qu'il est temps pour moi de rejoindre ma chambre, épuisée par ces derniers jours et par ces chaussures.

Je le fais comprendre au Roi, entre deux discussions et il nous excuse auprès du cercle d'amis et de personnes importantes.

Nous nous avançons silencieusement vers les portes d'entrée de la salle de bal. C'est peut-être mieux ainsi : remonter sur l'estrade nous aurait rendus plus visibles et j'aimerais partir discrètement, sans révérence ou un autre discours de la part de mon hôte.

Tandis que nous réduisons les quelques mètres qui nous séparent de la sortie, je reste attentive et mes yeux se hasardent à repérer une personne en particulier. Une personne que j'aurai aimé avoir auprès de moi et que j'ai à peine croisée ces dernières heures, alors que je suis restée avec lui ces derniers jours. Je ne suis pas capable de comprendre pourquoi je ressens autant le besoin de le savoir non loin de moi.

J'imagine que de m'avoir crue, secourue et soutenue ces derniers jours doit en être pour beaucoup.

À ma plus grande déception, je ne l'aperçois pas avant ma sortie de la pièce et nous nous retrouvons, le Roi Arthur et moi, dans un long couloir qui me paraît étranger dans cette pénombre. Heureusement qu'il est là, car j'aurais été incapable de retrouver le chemin qui mène à ma chambre.

— Avez-vous passé une agréable soirée Princesse Elyne ? m'interroge-t-il tout en douceur.

— Je dois bien avouer que j'étais terrifiée les premières minutes, mais oui. J'ai passé une bonne soirée dans l'ensemble.

— Dans l'ensemble ?

— Eh bien, j'hésite un moment, maintenant que c'est terminé... J'avoue ne pas comprendre pourquoi vous avez fait ce bal en mon honneur. En quoi cela peut-il m'aider à retrouver ma mère ?

— Je ne l'ai pas fait pour cette raison, s'excuse le Roi en joignant les mains. Le monde devait voir que vous étiez en vie. Je voulais célébrer cette merveilleuse nouvelle, je voulais vous montrer le monde qui est le vôtre, je voulais... profiter de ce moment avec vous avant de vous envoyer là où vous pourriez trouver des réponses et... peut-être un moyen de repartir. Peut-être cela paraît-il égoïste, mais vous n'auriez de toute façon pas pu partir avant demain vers cette destination. Je voulais juste partager quelques moments avant de vous voir repartir.