Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)

Seven

Je n'ai pas pu m'en empêcher. C'est sorti tout seul, sous le coup de la pression. Je crois que j'ai eu peur de la tournure que prenait la conversation, peur de leur réaction. Mais, également, exaspérée que l'on me compare à une sorcière au nez crochu et aux vilaines verrues. Enfin, qu'est-ce que je peux savoir de leur apparence ? Après tout, je n'en ai encore jamais vues en chair, en os et en magie.

Puis, Robin semblait désarçonné, n'ayant pas réussi à rejoindre notre première escale sans un interrogatoire de la part de son ami. Il a pourtant tenté, au mieux, de mettre en éveil son âme de veilleur et de chef. Mais l'importance de son travail a pris le dessus sur son amitié avec mon protecteur.

— Vous êtes sérieuse ? finit par s'exclamer l'homme qui m'effraie le plus ici.

Je pensais que mes mots auraient été suffisants, mais il faut apparemment quelque chose de plus. Alors, je passe à l'acte et laisse ma cape s'étaler sur les feuilles autour de moi.

— Vous avez déjà vu une sorcière accoutrée de la sorte peut-être ? je rétorque sans sourciller.

— Par la barbe de Merlin ! laisse-t-il échapper visiblement choquée. Bien sûr que non ! Mais...

— Bien ! je le coupe aussitôt en me saisissant de la cape. Alors nous pouvons reprendre la route jusqu'au point d'Arkhar, j'annonce avec force.

J'ignore d'où me vient une telle autorité, ayant toujours préféré la solitude à cause d'une timidité dont je n'arrive à me défaire que très rarement. Mais je ne m'en plains pas, je suis bien contente d'avoir réussi à faire face à cette situation et à m'être ôté une épine du pied. Ce n'est rien face à ce qui m'attend, j'en ai la conviction.

— On peut finir notre repas au moins ? maugrée le plus jeune de la troupe. Si cela sied à Son Altesse, bien évidemment.

Je n'ai même pas besoin de me retourner vers la source de cette petite pique pour savoir de qui il s'agit. À vrai dire je ne préfère même pas lui répondre et je décide de rejoindre mon cheval, n'ayant avalé qu'une bouchée de mon repas. Si je continue comme ça, je ne vais pas pouvoir éterniser bien longtemps cette situation alimentaire, ne me restant que deux ou trois choux à la crème, à mon plus grand dam. Mais je n'ai pas non plus envie de retourner près du feu de camp. Je n'ai pas la force de faire face à des regards, des questions ou des remarques. Je reste donc près de mon destrier, résistant à l'envie d'avaler un autre des mets délicieux qui attendent dans un sac non loin de moi. Sans savoir quand sera le prochain repas et préférant éviter à tout prix d'importuner quelqu'un en lui prenant dans ses ressources, j'éloigne mon regard de toute tentation.

— C'était risqué, m'enguirlande néanmoins gentiment Robin en arrivant à mes côtés.

— Ça a marché, je me défends de la plus simple des manières.

— Mais ça aurait pu très mal tourner, m'assure-t-il très inquiet et avec une légère colère.

— C'est déjà le cas pour moi, je soupire en lui tournant le dos.

— J'ai promis de vous protéger, poursuit-il plus calmement. Mais vous devez me faire confiance.

— Je fais de mon mieux, mais les propos que tenait votre ami commençaient à me faire peur !

— Je l'aurais résonné, dit-il sûr de lui.

— Il pensait que vous aviez été ensorcelé ! La suite ne présageait rien de bon. C'était plus fort que moi, j'ai paniqué, je laisse échapper les larmes aux yeux et toujours le dos tourné.

— Mademoiselle, murmure-t-il visiblement ennuyé de m'avoir mis dans un tel état.

— Veuillez m'excuser, je dis aussitôt en ne voulant pas me montrer de la sorte.