Twenty Five

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Je n'ai pas su me rendormir, ce qui est assez logique dans ce genre de situation. J'ai passé la moitié de la nuit à veiller, à combattre mon envie de dormir. La contemplation des étoiles, dans un premier temps, a eu pour effet de m'apaiser. De trop m'apaiser. J'ai dû renoncer à cette activité de peur de la retrouver une nouvelle fois. Si l'hypothèse est vraie, et qu'Ambrine ne peut pas vraiment me tuer, je préfère éviter de réitérer l'expérience la plus traumatisante de toute ma vie. Atterrir ici et être séparée de maman, ce n'est rien face à cette sensation, celle de se sentir mourir.

Si mon arrivée dans ce monde a paru être le pire moment de toute ma vie, elle s'est avérée être la meilleure chose qui se soit produite en dix-sept ans d'existence. J'ai découvert et appris tant de choses. Sur ma famille et sur l'univers en général. Comment dire non au cadeau qu'est la connaissance ? Je me sens à la fois plus complète, mais aussi plus perdue. C'est étrange que deux concepts paradoxaux puissent coexister en moi sans que l'un ne prenne le pas sur l'autre. À chaque réponse que j'obtiens, c'est une question en moins... et une autre qui naît. C'est un jeu sans fin, et je ne m'en plains : j'ai de quoi m'occuper.

Hormis cette nuit où tout le monde dort, excepté les deux gardes qui assurent la veille. L'envie de faire leur connaissance me tente, mais la tentative de meurtre semble les avoir fait un peu paniquer. Je reste donc dans mon coin ou plutôt au centre du campement, assise en tailleur. C'est l'un des moments qui me fait prendre conscience à quel point la musique me manque, tout comme la lecture. Avec l'un ou l'autre, je pourrais faire passer aisément le temps deux ou trois fois plus vite.

Au bout de trois heures de méditation interne, j'attrape la gourde pour la énième fois. Ma gorge est toujours très irritée et les quelques gorgées d'eau froide ont réussi à atténuer, l'espace d'un court instant, les démangeaisons. Je suis bien embêtée lorsque je remarque que je n'en ai plus. Je laisse un soupir s'échapper d'entre mes lèvres, à défaut de pouvoir maugréer à coup de « merde » et « bordel ».

— Tu n'as qu'à prendre la mienne, me propose une voix à ma gauche.

Je tourne la tête et remarque Allistaire se lever et s'avancer vers moi, sa gourde en main. Il me la tend et je m'en saisis avec une certaine lenteur, surprise par son geste à mon égard.

— Merci, articulé-je avec la gorge toujours endolorie.

— On essaiera de te trouver des plantes sur la route pour... Que ça te fasse moins mal. Est-ce que c'est plutôt une brûlure ? C'est quelle sensation ?

— C'est plutôt des démangeaisons.

— On devrait trouver de quoi t'apaiser alors.

Je laisse la gorgée d'eau imprégner ma bouche avant de l'avaler. Cela me donnera quelques minutes de repos, tout au plus.

— Et on fera au mieux pour que tu puisses dormir.

— Je sais qu'on est obligé de dormir, c'est un besoin. Mais j'ignore comment je vais bien pouvoir réussir à fermer l'œil la nuit prochaine.

— Oui, je crois que je serais dans le même état si une sorcière avait essayé de me tuer dans mon sommeil. Enfin, dans un cauchemar qui a eu une conséquence sur la réalité.

— C'est pour ça que tu ne dors pas ? Tu as peur qu'elle te rende également visite ?

— Non, je ne crois pas qu'elle utilisera sa magie pour moi. Je ne suis personne pour elle. Je me suis juste dit que si tu arrivais quand même à t'endormir et qu'elle essayait de revenir, peut-être que tu parlerais dans ton sommeil et on pourrait te réveiller avant qu'elle ne recommence à t'étrangler. Personne n'a vraiment fait attention la première fois, vu qu'on ignorait ce qui se passait. Maintenant qu'on sait, on pourra être attentif.

Faëra ▬ Tome ✯ © (Les 9 Royaumes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant