Prologue : Souviens toi...l'hiver dernier

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— Freine !

Le cri d'Heather me fait sursauter. Je tourne rapidement les yeux vers la route. L'impact est imminent. Lydia n'a pas le temps de s'arrêter. La voiture percute l'ombre de plein fouet, du sang éclabousse le pare-brise. Le choc est si violent qu'il nous laisse bouche-bée. La voiture s'immobilise. Plusieurs secondes passent sans que personne n'ose bouger. C'est finalement Maggie, à l'autre extrémité de la banquette arrière, qui, la première, a le courage d'ouvrir sa portière. Je l'imite en silence. Mon corps est engourdi et ma tête me tourne, j'ai l'impression que la scène et chacun de mes mouvements est au ralenti. Les doigts tremblant, je referme la porte métallisée produisant un son sourd qui vient briser le silence de la nuit. Lydia est la dernière à sortir du véhicule. À la vue du corps allongé par terre, elle pousse un hurlement qui me glace l'intérieur des veines. Ses joues s'inondent de larmes. Mes yeux n'arrivent pas à se détacher du sol alors qu'un haut-de-cœur incontrôlé me tord la poitrine. J'avale une goulée d'air sans que cela ne m'enlève la nausée qui me menace. Maggie et Heather tentent en vain de calmer notre amie. Ses sanglots résonnent à travers les bois.

Je rassemble le peu de force qu'il me reste et me dirige prestement vers la forme inanimée. Raven, me suit du regard, le front barré par l'inquiétude. Je n'ai que quelques pas à faire avant de trouver la flaque de sang qui ne cesse de grandir. Je m'agenouille, ma peau entre en contact avec le goudron humide, je ne retiens pas ma grimace. J'inspire à nouveau profondément et pose ma main glacée sur le corps, je ne sens aucun pouls. Mécaniquement, j'entame un massage cardiaque comme me l'a appris ma mère. Raven se poste en face de moi et m'observe sans ouvrir la bouche. Les minutes s'écoulent mais l'état de la victime ne s'améliore pas. Je n'arrive pas à stimuler son cœur et le sang continue de couler de toutes parts. Un moteur gronde et des phares éblouissent Raven tandis que la peur s'insinue dans mon esprit. Dans mon dos, des portières s'ouvrent puis se referment. Mon soulagement est tel lorsque je comprends que ce sont nos amis que je lâche un soupir bruyant tandis que dans mon dos, la voix inquiète de Samy ne cesse d'interroger Lydia.

Le corps fait des soubresauts chaque fois que mes paumes s'enfoncent dans la chair. Un craquement survient et je reste tétaniser en songeant que je viens de briser les os de ses cotes par mon acharnement. Raven se lève brusquement et court rendre l'intégralité de son estomac derrière un arbre. Je ravale mon dégout et force mes mains à stopper leur mouvement. Je ne peux plus rien faire. Je m'épuise pour rien et je m'acharne sur un cadavre. Cette idée me révulse mais je la chasse dès que Raven réapparait devant moi. D'un regard, mon amie m'encourage à me lever, je lui obéis sans faire d'histoires et essuie mes mains écarlates sur ma robe. Lorsque je me retourne après avoir repris mes esprits, Raven est déjà en train d'annoncer la mauvaise nouvelle aux autres. Les pleurs de Lydia redoublent tandis que je me dirige vers le groupe.

Les garçons tentent de comprendre ce qui s'est passé sans réellement oser poser la question de peur d'enfoncer encore plus Lydia. Les yeux de Raphaël sortent de leurs orbites quand qu'il me voit arriver, les vêtements tâchés de sang. Il se précipite vers le corps, suivit par les autres. Puis ce sont les jurons de Raph et le cri étouffé de Charlie qui trahissent notre culpabilité et éclatent dans le noir de la nuit. Les filles sont bouleversées. Lydia s'est réfugiée dans les bras d'Heather. Elle étouffe ses sanglots dans l'épaule de notre amie. Cette vision m'arrache le cœur et j'ai la soudaine envie de la serrer très fort contre moi et de ne pas la lâcher mais je suis couverte de sang, alors je m'abstiens. Nous nous fixons pendant un moment, en chien de faïence avant que Lydia ne surprenne tout le monde en prenant la parole. Sa voix rauque d'avoir trop pleuré me fait frissonner, c'est la première fois que je l'entends parler depuis que nous avons quitté la fête il y a une heure.

— Il faut appeler la police.

Aucune réaction. Je m'apprête à intervenir quand Mike me devance et annonce d'un ton clair et froid :

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant