Chapitre 2

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Réprimant la nausée de dégout qui menaçait, Émeraude se concentrait sur le bruit de tissu déchiré qui émanait de ses vêtements maintenant en lambeau, souhaitant garder le souvenir toute sa vie. Ce bruit discret de satin déchiré, serait à tout jamais la seule expérience qu’elle aurait à narrer de la vie.

-Laisses-là toute suite, ordonna une voix venant de l’extérieur.

Émeraude ouvrit péniblement les yeux, n’y croyant plus. Une fois que ses vêtements avaient été mis en pièces, la jeune fille avait très vite conclu l’inévitable sans songer un seul instant à trouver un sauveur en ce lieu. Lorsqu’elle trouva le courage de soulever la tête, Émeraude rencontra le visage dur de Dimitrio parcourir par une voile de colère apparente.

-J’ai dit laisse là tout suite Dimitrio, sinon j’irai voir qui tu sais, menaça de nouveau la voix.

Les sens d'Émeraude étaient encore engourdirent par la peur, mais elle pût distinguer clairement que c'était la voix d’une femme. C’était une voix éraillée mais très claire. Le souffle coupé, Émeraude recula sur le lit lorsque les mains massives de Dimitrio se retirèrent de ses cheveux et de son corps.

-Profites-en, tu n’auras pas cette chance tous les jours, lui murmura Dimitrio avant de quitter sa chambre.

Les yeux écarquillés, Émeraude l’observait de dos jusqu’à ce que sa silhouette effrayante ne disparaisse entièrement dans les ténèbres du couloir. Bien que forçant sur sa vision, Émeraude ne pût voir la brave femme qui venait de la secourir. L’instant d’après, des bruits de pas discrets sur le carrelage trahissaient le départ de cette dernière. Toute suite, Émeraude se rua sur la porte afin de la fermer. La jeune fille entremêla de nouveau ses sanglots, avec le silence sépulcral de la nuit, et déversa de chaudes larmes toute la nuit. La vérité était évidente, sa vie tranquille et apaisante  n’était plus la même.

Debout devant la petite fenêtre de la chambre qui était à présent la tienne, Émeraude avait le nez écrasé contre la vitre. La jeune fille observait l’aurore s’installé avec nonchalance. Outre les multiples nuances cristallines qui peignaient le ciel, ce qui attirait particulièrement le regard de Émeraude était l’aigle royal qui parcourait depuis quelques minute la voute céleste, les ailes grandement déployés. Deux jours déjà qu’elle était enfermée dans cet établissement, sans aucune idée des choses se déroulant dans le monde, loin d’ici. Les yeux perdus dans l’air, Émeraude essayait de se faire croire que quelqu’un aurait remarqué sa disparition, et peut-être bien que les flics débarqueraient ici d’une seconde à une autre. Elle soupira de déception lorsque la vérité la frappa à vive coup. Jamais personne ne remarquerait sa disparition, tout simplement parce que personne ne la connaissait. Enfin, personne n’était réellement assez proche d’elle, pour remarquer son absence.

Quant à son père, ce dernier mettrait certainement des siècles avant de se rendre compte de quoi que ce soit.

-Qu’a-t-il de si beau à regarder avec tant d’attention, entendit-elle derrière elle.

Emeraude se retourna vivement prise de peur. Elle fit face à une femme aux cheveux flamboyants et très vifs. Un sourire léger bordait le visage de cette dernière, cassant ainsi l’apparence froid qui s’y reflétait.

-Bonjour, Je suis Tess.

Émeraude fit un pas en arrière lorsque cette dernière essaya d’avancer vers elle. Aussitôt l’inconnue s’arrêta dans sa marche en levant les mains en signe de paix.

-Je ne te ferai aucun mal, je désire uniquement observer la vue à travers ta fenêtre, annonça Tess d’une voix sincère.

Émeraude se décala légèrement, en cédant la place à l’inconnue. La femme aux cheveux flamboyants passa délicatement près d’elle en souriant d’une manière chaleureuse. Son caractère amical surprenait largement Émeraude, mais outre la peur qu’elle avait des inconnus, la douceur qui émanait de sa visiteuse lui réchauffer néanmoins le cœur.  

-Le clair matin et les ombres du soir sont l’une des plus belles choses qu’on pourrait observer à travers ces fenêtres. Et encore, ne manque surtout pas l’aurore ! Déclara Tess en se retournant, toujours avec son sourire fièrement fixé sur les lèvres.

-Le jardin par contre, il faudra attendre de faire de grand chiffre ou encore l'arrivé du boss afin de pouvoir en profiter pour quelques minutes. Là-bas au moins, tu es certaine que maitresse Agatha ne viendra pas gâcher ton moment, renchérir Tess en perdant peu à peu son sourire.

Émeraude l’observait se décomposer jusqu’à en perdre son sourire. L’apparence de Tess lui parue du coup moins froid qu’elle le pensait. Tout suit, elle avait deviné que c’était de la tristesse.

-Le boss ! Maitresse Agatha…Enuméra Émeraude confuse en balbutiant.

Tess quitta sa torpeur pour la contempler. Elle se maudit lorsqu’elle se rendue enfin compte que Émeraude avait encore son drap noué à la poitrine. Cette dernière, baissa la tête honteuse aussitôt lorsqu’elle remarqua le regard imposant de Tess. Serrant plus fortement le drap beige qu’elle avait noué à la poitrine depuis deux jours, à défaut de vêtements, Émeraude songea à la multitude de fausses pensées qui auraient déjà encombrer l’esprit de sa visiteuse à son sujet. Peut-être pensait-elle actuellement qu’elle était une fille facile, songea Émeraude. Jetant un regard discret à Tess, elle remarqua que cette dernière fixait les brides qui restaient de ses vêtements déchirés sur le sol.

-Ce n’est pas ce que vous pensez, commença Émeraude d’une voix éraillée par les larmes qui menacèrent de couler.

-Il n’y a rien à penser Émeraude, puis-que j’étais là, déclara Tess dans un sérieux troublant.

Elle était-là ? Émeraude redressa aussitôt la tête les yeux écarquillés. La voix féminine éraillée mais pourtant très claire qu’elle avait perçu cette nuit-là était donc la sienne. Elle était si frêle songea Émeraude. Trop frêle, pour menacer Dimitrio conclu Émeraude après une analyse judicieuse de cette dernière. Néanmoins c’était vrai, Tess était réellement là cette nuit-là et avait menacé Dimitrio. D’ailleurs le timbre clair de sa voix était encore impeccable.

-Vous m’avez sauvez ? S’était vous, vous étiez-là, balbutia Émeraude émue.

-Sauvez est un trop grand mot dans notre situation je trouve, rit nerveusement Tess. Nous sommes toujours retenues prisonnières dans ce donjon, à travailler contre notre gré, alors nous ne sommes pas encore sauver. J’étais seulement au bon endroit au bon moment hier, conclut-elle.

Ainsi donc Tess était également une fille du donjon conclue Émeraude. Pourtant elle, elle parvenait à sourire encore malgré cette situation. Ne là voyait-elle pas du même œil qu’elle ? S’interrogeait Émeraude. Pour Émeraude, la vie s’arrêtait ici. Les deux jours passées seules dans cette chambre l’avaient permis de réfléchir de long en large à la situation dans laquelle elle se trouvait. Forcer d’être une fille de joie pour enrichir un cartel ! Pour Émeraude la vie s’arrêtait réellement là, car elle ne se voyait plus confronter son reflet dans une glace après avoir passé le pas. Tournant la tête vers la vitre barricadant la fenêtre, Émeraude songea un instant à l’endroit où pourrait conduire la rivière qui ruisselait dans la cour. Pourvut que ce soit une chute profonde pria-t-elle.

-Si tu songes à te défenestrer, c’est une très mauvaise idée tu peux me croire. Andrei t’aura rattrapé avant que tu ne puisses te laisser noyer dans la rivière. De plus, ce n’est pas si déprimant que ça, tu verras, avec le temps on s’habitue à tout ici.

Les pommettes de Émeraude vira au cramoisi aussitôt, Tess l’avait pris à la pensée. Par contre, en ce qui concerne le fait de s’habituer, la jeune fille n’y croyait pas. Jamais elle ne pourra s’habituer à ce lieu songea-t-elle.

-Trêve de bavardage, je suis là pour t’apporter des vêtements déclara Tess en s’éloignant vers la porte.

De dos, Émeraude remarqua les traces de raccommodage sur la robe ample mais rapiécée que portait Tess. Devrait-elle également faire un trait sur le luxe auquel son père l’avait habitué ? Pensa Émeraude. Peu importe songea-t-elle, de toute façon, ses shopping abusifs pour acheter des vêtements onéreux n’étaient qu’un des nombreux moyens qu’elle utilisait pour gaspiller l’agent de son père et aussi pour passer l’ennui. Tess revint dans la chambre, les bras chargés de vêtements enroulés dans des sachets blanchâtres.

La perle du donjon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant