La perle du donjon

Chapitre 19

-En as-tu de beau?

Émeraude battit lamentablement des yeux puis se figea un moment. Des souvenirs elle en avait par milliers, mais de beau, la jeune fille n’en voyait aucun à l’horizon. Croisant le regard curieux que dardait Tess à son encontre, Émeraude décida alors de lui énumérer les choses qu'elle possédait et qui avait un peu de valeur pour elle.

-Mon compte en banque, mon duplex en France avec sa belle vue, mes diplômes et mes croquis, répondit Émeraude de manière lasse.

Elle s’assit en tailleur sur le lit, face à Tess et se mit à nouer ses cheveux en une natte. Émeraude souffrait déjà assez de ne pas pouvoir narrer une période de sa vie telle qu’un souvenir heureux, alors elle fuit le regard de Tess et se contenta de balader ses yeux sur le sol. 

-Tu n’as personne qui te manque là-bas ? Quelqu’un à qui tu tiens ? Poursuivit Tess d’une voix basse.

Cette question obligea Émeraude à replonger de nouveau dans son triste passé, la revoilà errante, trainant comme une âme perdue au fond de ses pensées.

-Il y a Gris, mon chat, répondit-elle.

Tess compris qu’Emeraude n’avait presque personne dans sa vie, voyant la mine morose de la jeune femme, elle fut prise de culpabilité et décida alors de la laisser tranquille.

-Je t’attendrai en bas, annonça Tess avec empressement.

Suivant du regard la silhouette fine de Tess, Émeraude attendit qu’elle disparaisse derrière la porte avant de s’écrouler sur son lit. De grosses larmes se mirent à courir sur ses joues et la plupart d’elles mouraient sur la pointe de son manteau aussitôt nées. La jeune femme avait grandi toute seule, gavée de billets de banque comme si cela pourrait un jour remplacer l’affection parentale dont-elle avait besoin.

Dans un monde ou avec une fortune plus basse que la sienne, il était possible de s’acheter même des amis, Émeraude n’avait eu le droit que de s’acheter un chat. Un animal de compagnie ! Voilà ce que lui avait conseillé son père, lorsque la jeune fille avait demandé la permission d’avoir juste une amie, une seule. Pleine aux ases mais personne avec qui partagé une glace. Un duplex de rêve mais trop vide pour qu’elle puisse se venter du beau panorama qu’elle avait chez elle. Suffoquant de solitude, Émeraude avait fini par suivre le conseil de son père, elle avait adopté un chat.

Émeraude s’essuya rapidement  le visage lorsqu’elle entendit les bruits de talons aiguilles martelés le sol de sa chambre. Elle n’avait pas eu besoin de redresser la tête pour deviner qu’il s’agissait de cette Agatha.

Redressant la tête une fois certaine d’avoir maitrisé ses sanglots, Émeraude rencontra le visage froid de maitresse Agatha, ses joues presque creusées s’enfonçaient un peu plus pour laisser apparaitre un semblant de sourire, un sourire haineux.

-L’ordre de rassemblement dans le hall ne t’ai donc pas parvenu ? Interrogea maitresse Agatha.

Debout une main dans le dos, Émeraude observait maitresse Agatha lui lancer ses regards hautains. La jeune fille remarquait qu’enfin de compte Tess avait raison, elle commençait également à s’habituer à l’arrogance de maitresse Agatha. En ce qui concerne sa cruauté, il restait à voir.

-J’ai reçu pour ordre de ne pas quitter ma chambre, rétorqua Émeraude d’une voix posée.

-Je ne me souviens pas t’avoir donné cet ordre, répondit Agatha en portant quelques doigts au menton.

Maitresse Agatha la fixait d’un regard imposant, signe qu’elle s’impatientait.

-Paolo m’a ordonné de…