La perle du donjon

Chapitre 18

Émeraude vacilla presque suite à l’ordre de Paolo, sa voix était très ferme et autoritaire. Le ventre noué, Émeraude ne trouva plus ses mots. Paolo vit la panique de la jeune femme et se maudit aussitôt de l’avoir effrayé. Toutefois c’était pour son bien songea-t-il, pour leur bien.

Comment lui dit qu’il n’était pas un homme à la recherche de sexe mais plutôt qu’il était un homme de loi qui planifiait de faire tomber ce cartel. Évidemment, Paolo faisait confiance à Émeraude, mais il ne voulait pas la mettre en danger.
En effet, Paolo était certain que, aussitôt qu’il aurait dit la vérité à la jeune femme dont les yeux pétillaient comme des pierres précieuses, sa naïveté la conduirait certainement à se mettre en danger. Il l’imaginait déjà faire l'impossible pour lui venir en aide, et cela était hors de question. Toutefois, Émeraude était si adorable que Paolo ne pouvait s’empêcher de la rassurer.

-Accorde-moi deux semaines chérie, encore deux petites semaines et je te promets que Andrei et le donjon ne seraient qu’un lointain souvenir.

Boudeuse, Émeraude accepta toutefois le baiser de Paolo lorsqu’il la fit basculer sur le lit. Deux semaines songeait-elle, Émeraude ne comprenait sans doute pas le sens de la promesse que venait de lui faire Paolo, mais elle n’allait certainement pas rester les bras croisés songea la jeune fille. S’abreuvant des baisers tendres qu’appliquait Paolo dans son cou, Émeraude mijotait soigneusement des plans pour s’évader avec la jeune Rosa et Tess au plus vite que possible. Évidemment, sans oublier Veronica.
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Assise en face de la coiffeuse, Émeraude donnait des coups de peigne dans ses cheveux en se ressassant ses dernières minutes passées en compagnie de son aman. En effet, Paolo l’avait quitté un peu plus tôt ce matin, dès que les couleurs dorées de l’aurore commençâmes à coloniser le ciel. Déversant minutieusement un torrent de baisers sur son visage souriant, Paolo avait scellé par des embrassades passionnantes sa promesse de lui faire tout oublier d’ici deux semaines.

Deux semaines, se répéta Émeraude en murmurant.

-Que se passera-t-il dans deux semaines ? Questionna une voix.

Émeraude se figea sur le coup. Lorsqu’elle fit un tour sur elle-même, la jeune fille pût se détendre en prenant une grande inspiration, ce n’était que Tess.

-Tu m’as fait peur Tess, avoua Émeraude en s’asseyant de nouveau face au miroir. 

-Tu devrais être plus prudente Émeraude, ça aurait pu ne pas être moi.

Émeraude hocha la tête en confirmant que Tess avait raison. Le fait que Paolo avait insisté pour que aucun homme ne pénètre dans sa chambre ne constituait réellement pas un frein pour Dimitrio et encore moins pour Agatha.

-Tu as raison Tess, excuse-moi répondit Émeraude.

-J’ai croisé ton client dans les couloirs, lorsque je faisais mes corvées, commença Tess en s’asseyant sur l’une des poufs au sol. Il me semblait bien presser et en colère.

Émeraude vira son regard dans le sien à travers le miroir. D’abord surprise par les propos de son amie, la jeune fille souhaitait toute fois clarifier un point très important.

-Paolo n’est pas mon client Tess, corrigea-t-elle.

Les deux amies se regardèrent à travers le miroir, un silence mystérieux planait dans l’atmosphère.

-Qu’est-ce qu’il est pour toi alors Émeraude ? Questionna Tess d’une voix basse.

Émeraude émit un rire jaune puis s’arrêta en croissant le regard inexpressif de son amie, rouge de honte. Tess était aussi douce qu’un cœur et la jeune fille le savait. Émeraude n’avait pas besoin qu’elle explique le fond de ses pensées en se justifiant, elle comprenait déjà ses intentions. La pauvre femme dont le visage rayonnait de bonheur ce matin avait à présent une mine morose, elle broyait du noir.

-En temps normal tu m’aurais dit qu’avec le temps on s’y habitue, dit Émeraude tristement.

-Dans ce donjon avec le temps on finit par s’habituer à tout Émeraude. Les coups bas de maitresse Agatha finiront par être insignifiants à tes yeux, tu finiras par craindre tes clients plus que les coups d'Andreï, chaque main baladeuse sur ton corps nu deviendrait aussi dépourvue de sens pour toi que le caresse du vent sur ton visage.

-Mais ? Questionna Émeraude la voix embouée par les larmes.

Tess parcourue des yeux la chambre avant de reporter son regard sur la jeune femme en face d’elle. Elle avait remarqué l’état désordonné du lit et avait compris qu’Emeraude avait donné son corps. Connaissant Émeraude, il avait fallu peu de temps à Tess pour deviner qu’elle l’avait fait par amour, autrement, la jeune fille était trop bornée pour obéir à Andrei aussi facilement.

-Mais que ce soit ici dans le donjon où ailleurs dans le monde, on ne s’habitue pas à une déception amoureuse, répondit Tess de sa voix claire.

Tête baissée, Émeraude avait les yeux fixés sur les broderies du tapis au sol. Les points de chainettes fièrement étalés sur les bords du tapis lui semblaient à présent trop lointains en raison des larmes qui fuyaient en amas de ses grands yeux vert. Elle prenait conscience peu à peu de la réalité ; une relation amoureuse était impossible dans une maison close, mais de simples idylles par contre oui. Quelques baisers, des promesses qui finiront par disparaitre comme elles étaient venues et l’être aimé finira par devenir un souvenir, un simple visage de plus dans l’album de sa mémoire. Tess fut attristée de voir Émeraude dans cet état par sa faute, elle ne souhaitait que l’avertir songea-t-elle.

-Je te demande pardon Émeraude, je souhaitais uniquement t’éviter une chute trop importante, dit Tess en s’agenouillant en face d’elle.

-J’avais espoir que…

-Ici ce qui fait vivre ce n’est pas l’espoir mais la prudence, renchérir Tess.

Émeraude ramena ses yeux verts dans ceux de Tess, la douceur qu’elle eut lire n’était comparable à aucun autre sentiment sur cette terre. C’était pure, pleine d’honnêteté. Émeraude se demandait à présent si Tess avait jamais songé à l’avenir, pensait-elle encore au moins à la vie dehors, loin de ses murs sombres du donjon ? Ou avec le temps, on s’habituait également à la vie monotone qu’offrait le donjon ? Ici la ronde des saisons comptait peu, avait déduit Émeraude. La seule chose qui changeait était les visages d’hommes clients qu’elles voyaient par millier.

-Maitresse Agatha demande à ce que nous nous rassemblons dans le hall, informa Tess.

Émeraude quitta ses pensées et lança un regard désintéressé à Tess. La jeune fille ne craignait plus maitresse Agatha pour le moment.

-J’ai pour ordre de ne pas quitter ma chambre, répondit Émeraude en haussant  les épaules avec désinvolture.

Tess la fusilla du regard, ce qui suffit pour faire sourire Émeraude. La douceur de Tess était comme une source inépuisable songea-t-elle.

-Dis-moi simplement que tu refuses de lui obéir et je te croirai, corrigea Tess drôlement.

Émeraude écarquilla les yeux en remarquant à quel point Tess arrivait à lire en elle. Combien de fois avait-elle rêvé d’une amitié telle que celle-ci. Depuis son jeune âge elle avait grandi seul, abandonner sous la tutelle d’une vielle dame qui préférait plus s’occuper des ragots que d’elle. Émeraude avait béni le ciel en-là voyant quittée sa maison à l’arrivée des gardes que lui avait pris son père.

-Tout va bien Émeraude ? Questionna Tess soucieuse.

Quittant sa torpeur, elle esquissa un sourit en hochant la tête.

-Je m’étais égarée dans mes souvenirs le temps d’un soupir, répondit-elle.

-En as-tu de beau? Questionna Tess curieusement.