Mercredi six février
Il pleut. Dieu sait que j'ai horreur de la pluie. Il fait humide, il fait froid et avoir les cheveux trempés comme un chat de gouttière c'est moche et désagréable. Les gens qui disent « tu plaisantes ? Moi j'adore la pluie », comme par exemple ma mère, vous avez quoi dans la tête ? C'est déprimant, c'est morne et ça donne le rhume.
Vous savez ce qui est encore plus déprimant ? C'est d'entendre votre mère chanter « nous sommes deux sœurs jumelles » à tue-tête dans la cuisine. Samuel avait raison, quelque chose d'étrange se passe. Et je ne suis pas sûre de pouvoir tenir le choc.
Et merde, voilà à mon tour que je fredonne cette chanson. La vie est injuste.
Vendredi huit février
Valentin a débarqué sur l'un des bancs où j'étais assise sous le préau. Il a marmonné des mots incompréhensibles, sa blouse blanche tachée d'une substance bleue. Je n'ai pas vraiment cherché à comprendre ce qui l'avait mis dans un tel état. En ce moment, tout va mal pour Valentin Bertrand. Un livre à la main, les mots se sont alignés sans que je n'y trouve un sens et pour cause, mon ami fulmine de rage. Le jeune garçon finit par me donner un coup de coude, mimant des gestes incompréhensibles. J'ai mis du temps avant de me rendre compte de ce qu'il voulait me montrer.
Alice traverse la cour, des manuels coincés dans ses bras et un grand sourire plâtré au visage. Maxime rigole comme un benêt à côté d'elle, un sac de sport vissé à ses épaules. Valentin semble défaillir face à cette vue et se cramponne à mon bras. Face à cette catastrophe interplanétaire, mon acolyte finit par lâcher un grand soupir de soulagement lorsque les deux marmottes ne sont plus dans notre champ de vision.
- Il lui a proposé d'aller au cinéma ce soir.
Je comprends mieux pourquoi sa blouse est couverte de taches. Maxime à du proposer à la sublime Alice de l'accompagner au cinéma en plein cours de science.
- Et qu'est-ce qu'elle a répondu ?
Valentin me lance un regard exaspéré. Bien évidemment que je connais la réponse, il ne faut pas être devin pour savoir qu'Alice a répondu oui. Même si j'aurais bien aimé qu'elle refuse. Avec tous les garçons qui l'aiment bien, il a fallu qu'elle choisisse l'idiot du village. Elle aurait pu choisir Joseph. Ou bien quelqu'un d'autre. Tout sauf Maxime Dubois.
- À ton avis ? Elle a dit oui.
La sonnerie stridente a coupé court à notre discussion. Une horde de fouines excitées du week-end se ruent vers les grilles. Nous sommes dans une jungle ici. Rangeant mon livre dans mon vieux sac, Valentin finit par m'agripper le poignet et avec les yeux exorbités, il lâche un « Eurêka ». C'est bien certainement le seul à employer encore cette expression. Elle a plus d'un siècle. Les sourcils froncés, je l'observe dubitative. Un sourire au coin se dessine sur son visage, ses yeux verts ne quittent pas les miens.
- Tu fais quelque chose ce soir ?
Est-ce que vous sentez le plan foireux arriver ?
Parce que moi oui.
- Non, je n'ai rien à faire.
Ne me demandez pas pourquoi je n'ai pas menti. Un moment de faiblesse. Ça arrive à tout le monde après tout ? Surtout après deux heures de littérature française avec madame Valente. Cette fois-ci, mon vieil ami affiche un sourire triomphant.
- Très bien, parce que ce soir je t'amène au cinéma.
J'en étais sûre ! Il est hors de question que ce fou me traîne dans un cinéma pour surveiller Alice et Maxime. Il ne va pas bien parfois. Vraiment pas bien. Secouant la tête, Valentin soupire avant de se lever à son tour et pose ses deux bras chétifs sur mes épaules pour me secouer. J'aurais bien voulu lui vomir dessus. Cette fois-ci, on touche le fond dans les plans foireux de Valentin.
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Les poissons ne savent pas nager
Teen FictionEsther est sarcastique. Esther déteste le lycée. Esther hait le sport, les maths et les profs. Entre un père anarco-grognon, une mère complètement lunatique-intrusive, un frère surdoué et un beau-père collant, Esther écrit et parfois philosophe son...