Dimanche trente juin
Comme une envie de solitude, j'ai décidé de mettre des baskets et de partir vers le vieux parc. En jogging et tee-shirt, je n'ai pas eu la foi de faire un effort vestimentaire. De toute façon, ça ne sert à rien. J'ai toujours eu la flemme pour ce qui est de m'habiller. Le confort prime avant tout. Au grand désespoir de ma mère.
Une brise légère secoue mes cheveux et c'est assez agréable. On ne parle pas assez de la solitude. Dans notre société, elle est assez mal-vu. On a comme cette obligation d'être en couple, de sortir avec ses amis. Mais pourtant, être seule, c'est bien. Pas d'obligation. On peut faire ce que l'on veut. On peut développer ses passions. On peut écrire. Chanter. Inventer et créer. J'aime la solitude. Je ne pourrais pas m'en passer. Comme une grande amie, douce et chaleureuse, elle m'accompagne dans mes idées, mes pensées.
Je me suis assise sur un des seuls bancs à l'ombre et, les écouteurs vissés dans mes oreilles, j'ai observé les enfants courir de partout. Contrairement à la moitié des gens, je ne voudrais pas redevenir petite. Vous imaginez tout refaire ? Le primaire ? Horrible. Le collège ? Atroce. Le lycée ? Morbide. Non, impossible. Et puis les enfants sont beaucoup trop naïfs et méchants.
Je profite de ce moment de paix pour m'allumer une cigarette. Ma solitude ne me le reprochera pas. Elle n'est pas très bavarde. Tout comme moi.
Et là, vous me direz pourquoi j'ai baissé le volume de ma musique. Mais c'est bien parce que cette silhouette me dit quelque chose. Et cette fois-ci, je ne peux pas me cacher entre des buissons. Le gars à l'ouest. Oui, les amis. Il est en skate, un casque dans les oreilles. Ça faisait longtemps, tiens. Lui aussi en jogging, il slalome les enfants avant de tourner le visage. Horrible ! Il semble m'avoir remarquée. Bien évidemment, il se dirige vers moi et j'aimerais bien qu'il se casse la figure. Arrachant mes écouteurs de mes oreilles, j'essaye de paraitre sympathique. Les temps changent.
Hazael me lance un signe de la main et s'arrête pile en face de moi, interceptant son skate pour le caler sous son avant-bras. Ma solitude attendra. Je ne sais pas si c'est une chance de l'avoir recroisé.
- Ça alors, la femme de l'au-delà ! On se croise souvent ces temps-ci.
Je ne peux le nier. Le hasard fait parfois de bien mauvaises choses. Je n'ai même pas le temps de le saluer qu'il s'installe sur le banc, étendant ses longues jambes de sauterelle. Elles doivent faire deux mètres, si ce n'est plus. Tournant la tête vers moi, je remarque sa barbe de quelques jours. Ses grands yeux marrons me fixent et il finit par demander :
- Tu fais quoi toute seule ?
- Je méditais.
Ma réponse est hilare. Sans blague. Hochant la tête, Hazael finit par rire.
- Tu es très mystique Esther.
Alléluia, il a retenu mon prénom. Mystique ? Pourquoi pas. Après tout, je crois bien que nous avons tous des énergies que l'on peut se transmettre.
- Tu skates ?
Première fois que je lui pose une question. Il devrait être content. Bon d'accord, on a connu mieux comme discussion mais je fais ce que je peux. Avec lui, je deviens soudainement gênante. Hochant la tête, il finit par se relever de nouveau, se stabilisant sur sa planche en bois customisé. Je ne comprendrais jamais comment les gens font pour réussir à tenir dessus. Et à garder l'équilibre. Pour moi, ce sont de vrais gymnastes.
- Ouais. Tu en fais ?
- Non.
Je suis très bavarde. Comme d'habitude. Mais je suppose que ce n'est très grave. Hazael n'a pas l'air d'être perturbé par mon manque de parole. Il continue de sourire. Merde, son sourire est contagieux. Je l'imite comme une gogole.
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Les poissons ne savent pas nager
Fiksi RemajaEsther est sarcastique. Esther déteste le lycée. Esther hait le sport, les maths et les profs. Entre un père anarco-grognon, une mère complètement lunatique-intrusive, un frère surdoué et un beau-père collant, Esther écrit et parfois philosophe son...