Mars: paire de chaussette et le gars à l'ouest

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Mercredi vingt mars

Valentin, Alice et moi nous sommes donné rendez-vous cet après-midi au vieux port. Je ne sais pas exactement le motif de ce rendez-vous mais je sais d'avance que ça portera sur cette soirée catastrophique qui m'attend. Sérieusement, il faut que je trouve une excuse, le jour fatidique approche.

Lorsque je suis arrivée, ils étaient déjà installés sur l'un des bancs et sans dire un mot, je me suis assise à côté d'eux. Ils rient aux éclats tous les deux, se tirant la langue. Le parfum d'Alice sent très fort et Valentin ne fait que renifler comme un porc. Ça commence bien. La jolie rouquine me lance un grand sourire avant de me tendre une bouteille de limonade. J'accepte et porte à ma bouche le liquide qui pétille directement dans ma gorge.

- La mère de Valentin nous amènera à la soirée de Lucas.

- Lucas ?

- Oui tu sais, l'ami de Maxime.

Ne me demandez pas qui est ce Lucas car je ne le connais pas du tout et je m'en fiche. Ce n'est pas comme si cet inconnu allait changer ma vie. Rien que son prénom, ça me donne envie d'annuler sans trouver d'excuse. Sérieusement, il faut arrêter avec ce prénom. J'ai l'impression que tous les garçons s'appellent Lucas.

Après tout, le monde entier sait que je déteste les soirées. Sérieusement, pourquoi me forcer ? Valentin me lance un regard malicieux, comme s'il avait lu dans mes pensées. Je vous jure, ils vont vraiment me tuer.

- Esther est très enthousiaste pour cette soirée, hein ?

Valentin pose ses mains sur ma nuque et je lâche un cri de surprise face à ses mains gelées. Le rire cristallin et si doux de ma jeune amie retentit. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle. A la vue de ma tête renfrognée, Alice imite une mine sérieuse et se redresse.

- On va s'amuser et puis, tu pourras peut-être faire la rencontre d'un garçon.

Ce n'est pas vrai, les deux ne vont pas me lâcher avec ça. Pourquoi les gens font-ils une fixette sur les histoires d'amour ? Pourquoi faut-il toujours qu'ils se préoccupent de la vie sentimentale des autres ? Les gens aiment trop ce genre de détail. L'amour. Ce n'est pas compliqué à comprendre pourtant, les garçons ne m'intéressent pas. Ça pue, c'est débile et ça vous pollue la vie. Des parasites. Des orties. Il n'y a qu'à voir la vie sentimentale de ma mère. J'ai beau aimer mon père, il a toujours été un égoïste. Toujours à faire ce qu'il veut. Jean c'est la même chose. Il faut tout faire comme lui. Les mecs sont égoïstes. Ils s'énervent pour un rien. Je déteste ça.

Je ne veux pas m'encombrer d'un garçon. Je ne suis pas Alice. Je n'ai pas un cœur d'artichaut. Je ne suis pas du genre à embrasser sous le perron d'une maison un soir de pleine lune. Dois-je vous rappeler mes bisous catastrophiques ?

- Combien de fois vais-je vous répéter, je m'en fiche de ça.

- Voilà qu'elle recommence.

Valentin lève les yeux au ciel et balaye du revers de la main mes paroles. Bien évidemment, comment pourraient-ils comprendre eux ? Entre l'amoureux de l'ombre et l'amoureuse gogole, ce n'est pas gagné.

- Un jour ça t'arrivera Esther. Ca te percutera la cage thoracique.

La poésie et Alice, une grande histoire. Son sourire niait collé au visage, Valentin applaudit comme un abruti. Comme si l'amour pouvait vous percuter la cage thoracique. Allez dire ça à un médecin ou à un chirurgien, il vous rira à la figure.

L'amour est rempli de débris, de possession et de pathétisme.

Vendredi vingt-deux mars

J'ai fait semblant de ne pas entendre la voix de Dubois, qui m'a interpellé. Mais malheureusement, Maxime est un chien qui s'accroche à son os et c'est ainsi qu'il crie de nouveau mon prénom. Imbécile, bien sûr que je t'ai entendu.

C'était dix-sept heures et je venais à peine de sortir d'un cours de Satan c'est-à-dire les sciences, pour de nouveau rentrer en contact avec l'enfer. Dubois Maxime. Me tournant finalement vers lui, il court comme un lévrier, son sac de sport contre lui. Entrainement de natation je présume. Le poisson, en face de moi et pas du tout essoufflé, et me lance un grand sourire.

- Ikov, les sourires ça existe, tu sais.

- Viens-en au fait, je n'ai pas tout ton temps Dubois.

Oreille décollée ricane et après avoir observé rapidement sa montre, il plante ses yeux bleues océan dans les miens.

- C'était pour savoir si tu n'avais pas oublié que demain, il y a la soirée de Lucas.

- Oui, je sais. Malheureusement, j'ai une mémoire.

Hochant simplement la tête, Dumbo me lance encore un de ses sourires piège à nana. Ou plutôt piège à Alice.

- Je te laisse alors. Hâte de te voir t'amuser demain.

- Qui te dit que je vais m'amuser ?

- Ne t'inquiète pas pour ça. J'aurais ce qu'il faut. Mais tu seras gentille, laisse mon Simon tranquille.

Son rire gras résonne. Il est fier de sa blague. Moi qui croyais que cette histoire était derrière moi. HAHA que nenni. Je ne vois pas où il veut en venir. Dubois parle en charabia. Il parle tellement vite que parfois vous ne comprenez rien à ce qu'il dit. Je n'ai pas cherché à lui demander ce qu'il voulait dire. Parfois, les mots de Dubois jaillissent de sa bouche sans que son cerveau y mette un filtre.

- Au plaisir Ikov ! Hurle Dubois.

Me lançant un signe de main, il finit par me quitter à l'entente du sifflet du prof de sport. Ça faisait longtemps tient que je n'avais plus entendu le sifflet strident de monsieur Rivière.

Demain, je serais devant les portes de l'enfer. Je vous tiendrais au courant de ce qu'il s'y passe là-bas. Après tout, c'est toujours intéressant de savoir à quoi ressemble l'enfer. Pas tout le monde a le luxe d'aller au paradis.

Les poissons ne savent pas nagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant