Mars: paire de chaussette et le gars à l'ouest

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Lundi dix-huit mars

Nous nous sommes retrouvés Valentin et moi à un café au bord du port. Il fallait que nous causions de plusieurs choses dont la soirée. Sirotant son diabolo menthe, mon vieux compatriote sourit comme un gogole. Je me demande bien à quoi il pense, quoi que tout compte fait, non je n'aimerais pas me retrouver dans la tête de Valentin Bertrand. Ça doit être un véritable labyrinthe. Lui assénant un coup de pied au tibia, il lâche un couinement comme un cochon d'inde et finit par aborder une mine sérieuse. Une mine trop sérieuse, si vous voulez mon avis.

-          Qu'est-ce qui t'as pris d'accepter la soirée de Maxime ?

Comme s'il ne se souvenait plus de cet événement, mon ami a fait semblant de chercher pendant deux minutes dans son cerveau ce à quoi je faisais allusion. Je vais lui parler aussi de ce truc de théâtre, c'est vraiment un comédien. Finalement, ses dents blanches séparées et penchées scintillent lorsqu'il sourit.

-          Ça va être marrant. Je ne suis jamais allé à des soirées organisées par les sportifs du lycée. Je mise de grands espoirs sur ce samedi-là.

-          Quels espoirs ?

Je serais curieuse de savoir quels sont les fantasmes de Valentin sur cette soirée qui je parie va être nulle. Nous ne connaissons personne, Alice va rester avec Maxime quant à nous, on va finir sur le banc de touche.

-          J'espère que y aura pleins de monde et surtout des filles.

Voyant son enthousiasme naissant, je lève les yeux au ciel.

-          Tu y vas que pour les filles, en fait.

-          Non, il n'y a pas que ça...

Valentin essaye de se dépatouiller et cherche une excuse pour aller à cette maudite soirée. Franchement, j'ai envie d'annuler mais Maxime ne me laissera pas le choix. Ce connard empiète sur ma liberté. Bon dieu qu'est-ce que je n'aime pas ça.

Les yeux brillants comme deux comètes suspendues au ciel, Valentin boit d'une traite son diabolo menthe avant de s'essuyer la bouche avec sa manche. Bien évidemment, mon compagnon de fortune n'allait pas s'essuyer avec la serviette disposée sur la table en face de lui. La logique, il ne connait pas. Avec le temps, on s'y fait.

-          Maxime est sympa.

-          Pardon ? Il y a à peine trois jours, tu le détestais encore et préméditais un meurtre.

C'est la pire excuse que je n'ai jamais entendue. Dubitative, le maigrelet ricane toujours, empoignant mon verre de limonade pour le finir.

-          Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

-          C'est la phrase la plus con que je n'ai jamais entendu sur cette terre.

D'un geste brusque, il pose le verre vide et se penche vers moi comme s'il voulait me dire un secret. Valentin Bertrand est un hyperactif, ce n'est pas possible. Il ne fait que gesticuler, je me demande bien comment il fait en cours. J'aimerais le voir en maths.

-          Ne fais pas ta rabat-joie et puis j'ai décidé de te trouver un mec pas trop compliqué en matière de fille. 

Seigneur, qu'est-ce qu'il m'énerve. Haussant les sourcils, Valentin surexcité se lève d'un bond, manquant de faire tomber la chaise. Faisant de grands gestes, la moitié du bistrot nous regarde, incrédule. Avec Valentin Bertrand, il ne faut pas être timide. Sinon vous iriez vous creuser une grotte.

-          Je n'ai pas envie d'avoir un encombrement de plus dans les bras. Je t'ai déjà.

-          Tu verras, cette soirée, ça va être génial.

J'y mets des doutes. Franchement, j'ai envie de devenir un ermite. Au moins, on les laisse tranquille et ils passent inaperçus.

La vie d'un ermite, c'est le paradis. Je devrais songer à me réorienter.

Mardi dix-neuf mars

C'est dur parfois. On n'arrive plus à rien et on se sent extrêmement fatigué. C'est exactement ce que je ressens aujourd'hui. Comme si un nuage noir m'accompagnait et me collait à la peau. Je vieillis et le temps m'agace. Je déteste me sentir autant longue à la détente.

Les gens peuvent être très méchants entre eux. C'est une règle. Et les salauds s'en sortent toujours. Bienvenue sur la planète Terre. Et vous savez ce qui me fout encore plus le cafard ? Il n'y a plus de figolulu. C'est un trop plein.

Nos sentiments sont indomptables. On n'arrivera jamais à les dominer. Alors ça nous explose à la figure. Et c'est là que tout se bouscule. La vérité est que rien n'est contrôlé. Tout jaillit.

Et aujourd'hui, mon nuage noir est apparu. Et ce n'est pas grave. On ne peut pas être heureux tous les jours.

Les poissons ne savent pas nagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant