Juin: problème de fêtarde et chance de nénuphars

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Vendredi quatorze juin

Est-ce que je regrette ? Oui. Est-ce que j'ai envie de m'enterrer sous terre ? Oui. Mais inutile de broyer du noir, Alice me tend un doliprane. Le bruit de la cuillère qui touille le mélange me donne des sensations de marteau piqueur dans mon crane. Maxime me tapote les épaules comme si j'étais une catcheuse qui allait monter sur le ring.

-          Et c'est parti, Esther va boire son premier doliprane de gueule de bois. Veuillez faire un tonnerre d'applaudissement.

Bien évidemment, le nigaud, Théophile est le premier à taper des mains. Qu'il rigole celui-là, je vais le passer au mixeur. Valentin me regarde fixement, presque émerveillé. Et je dirais même ému. Séchant de fausses larmes, il me prend la main.

-          Je suis si fier de toi Esther. Ton vomi était des plus magnifiques !

-          Valentin ? Tais-toi.

Alice lui enfonce un croissant dans la bouche pour qu'il se taise. Me tournant vers Oreille décollée, je me passer en boucle ma déclaration d'amour. Mon dieu, quelle horreur. J'ai si honte.

-          Désolée pour ton sweat.

-          Ne t'inquiète pas. Ta déclaration d'amour pardonne tout.

Valentin manque de s'étouffer et Alice nous fixe bizarrement avant d'hausser les épaules. D'un sourire narquois, Oreille décollée me lance un clin d'œil.

Honnêtement, j'ai hâte de devoir renseigner mes vœux parcoursup. J'y inscrirai « devenir marmotte ». Je suis sûre que ma candidature sera retenue !

Samedi quinze Juin

Ce jour est à marquer d'une pierre blanche. Je vais chez Dumbo. Oui, vous avez bien entendu. Après ma déclaration d'amour et mon vomi, il m'a invitée chez lui pour réviser. Bien que ça me soulage de pouvoir avoir une aide en science, les événements de jeudi soir me tiraillent les nerfs du cerveau. Il faut toujours que je me mette dans de beaux draps. Quand je vous disais que je collectionne les moments gênants. C'est simple, je suis passée de la marmotte associable, à l'ivrogne russe. Une chance qu'il n'y eût personne du lycée hormis Alice, Valentin et Maxime. Et, croyez-moi, ça fait déjà beaucoup.

Le coq sportif est fier de me montrer sa maison. Un rien le fait sourire de toute manière et après moulte réflexion, nous avons décidé de travailler dehors, dans son jardin. C'est bien une maison de prof d'ailleurs. Il y a un jardin avec un petit potager. Le genre de choses que les professeurs adorent. Les courgettes, les tomates et blabla.

Un livre de science sous les yeux, Maxime feuillette notre programme et je dois avouer que j'ai l'impression d'être en cours. Je ne comprends strictement rien aux exercices qu'il me donne. C'est très mal parti. Ribambelle de catastrophes en ce moment.

-          Je renonce. Tu sais pourquoi je n'aime pas les sciences, Maxime ? Parce que ce n'est pas du tout poétique. Rétines, globules, chromosomes. C'est franchement horrible.

Maxime me regarde en souriant et se gratte le cuir chevelu avec son critérium. Très classe.

-          Moi je trouve ça vachement beau le mot rétine. Ça fait très Baudelaire.

-          Mais bien sûr.

Dumbo soupire en me réexpliquant pour la énième fois la leçon. Il me tape le crane plusieurs fois. Moi je dis que c'est de la maltraitance sur mineur. Fixant ses yeux bleus, je finis par répliquer rapidement afin de mettre définitivement les choses au clair :

-          Tu sais, par rapport à la soirée, j'étais bourrée.

-          Sans blague Esther.

Son sous-entendu m'exaspère mais je n'ai pas trop à répondre. Je lui ai vomi dessus et le type est quand même gentil avec moi. Si ça avait été l'inverse, je l'aurais trucidé. Secouant la tête pour ne pas visualiser cette scène de nouveau, je finis par de nouveau planter mes yeux de myope dans les siens.

-          Ce que je t'ai dit, ça n'a rien à voir avec un truc du style amoureux.

-          Je sais Esther. T'as pas besoin de te justifier. Et n'essaye même pas de grapiller des minutes. Concentre-toi de nouveau.

Cette fois-ci, c'est avec le livre qu'il me tape sur le crâne. Ce qu'il y a de bien avec les vrais amis, c'est que vous n'avez pas de gêne. Ils vous aident sans rien demander en retour. 

Ce qu'il y a de bien avec les vrais amis, c'est qu'ils peuvent devenir amnésiques pour vous.

Les poissons ne savent pas nagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant