Samedi vingt-huit aout
Sortez les mouchoirs, bientôt la fin des vacances. Et, qui dit fin des vacances dit rentrée, bac à l'horizon et l'envie de décéder.
Les coups de soleil, les moustiques vont me manquer. Qui l'eut cru ?
Dimanche trente et un aout (l'après-midi)
Arrivée pile à l'heure, je m'installe inconfortablement sur une chaise. Samuel a un premier fan, ça en devient presque émouvant. Moi sa sœur, prête à lui lancer des fleurs. Mais croyez-moi, il n'en a pas besoin, il s'en lance tout seul tous les soirs, devant le miroir de la salle de bain.
Valentin a finalement débarqué, la bouche pleine, un paquet de bonbons contre lui. Il a dû faire déplacer un vieux couple pour pouvoir s'installer à côté de nous. Plus discret que ça tu meurs. Alice est arrivée à deux secondes près, demandant plus poliment au couple de se déplacer de nouveau. Génial. Hazael se retient d'éclater de rire. Quelle organisation. Quinze minutes plus tard, Maxime débarque, sentant la transpiration à plein nez et, après avoir demandé au couple de se décaler d'une rangée, il s'installe dans le plus grand des vacarmes :
- J'ai galéré à vous trouver !
Puis, l'illuminé m'observe avant de ricaner bêtement. Seigneur, il n'en loupe pas une. Il ne me lâchera donc jamais avec Hazael. Comme réponse, je lève les yeux au ciel. Je n'ai plus la force de lui répondre. J'ai déjà le rôle de la fan pour aujourd'hui, chaque chose en son temps.
- Ça sent l'amour par ici.
- La ferme.
- Bien évidemment que ça sent l'amour ! Renchérit Valentin un peu trop sûr de lui. J'ai rencontré une fille tout à l'heure en faisant la queue pour les bonbons.
Personne ne relève la phrase de notre ami, ce qui est plus que bizarre. Ça ne m'étonnerait pas qu'on se prenne des tomates en plein dans la figure. Nous sommes insupportables.
- Tu mâches trop fort Valentin. Râle finalement Alice.
- Pardon l'impératrice.
Contre toute attente notre vieux compatriote mastique encore plus fort, telle une grosse vache. Cette fois-ci, le vieux couple se tourne vers nous, agacé. Valentin ouvre alors grand la bouche pour leur sourire. Les dents colorées de dragibus. La mamie, offusquée, lève les yeux au ciel. De mieux en mieux.
Pour contextualiser ce jour merveilleux, ma mère n'a pas pu venir assister au spectacle de Samuel. La cause ? Elle doit annoncer ses fiançailles aux parents de Jean. Bon courage, ces vieux croutons n'ont jamais aimé ma mère. Typique des beaux-parents, on y fait plus attention tellement ça devient une normalité de haïr ses belles filles ou beaux fils. Face à ce drame familial, c'est-à-dire une crise de larmes de ma mère (je vous assure que c'est vrai) et les soufflements de Samuel, j'ai convenu que j'allais moi-même aller l'encourager. Même si, entre nous, nous savons tous que Samuel n'a pas besoin d'encouragement. Ses chevilles sont très enflées, il a une très haute estime de lui.
- C'est quand qu'il arrive ? Demande Valentin encore la bouche pleine.
- Je ne sais pas. Mais on en a au moins pour quarante minutes.
- La plaie ! Crie-t-il un peu trop fort.
Une paire de regards le fixe et il fait un simple coucou à la foule avant de s'enfoncer dans sa chaise rouge matelassée. Cette fois-ci, les lumières s'éteignent et les premiers danseurs gagnent l'estrade. Tant que ce n'est pas encore le tour de Samuel, on va bien s'ennuyer.
- Heureusement qu'il y a des danseuses.
- Tu es parfois énervant. Râle Alice.
- Pardon, tu veux un dragibus ?
Innocemment Valentin lui tend son vieux paquet déjà déchiré et froissé de partout. La rouquine le fixe avant d'éclater de rire. Complétement paumé celui-là.
- Mais alors est-ce que tu vas être avec nous un jour ? Parce que parfois tu n'es vraiment pas là.
Comme réponse Valentin me lance son portefeuille. Les autres goblins sont hilares. Ça s'annonce bien notre sortie. Heureusement pour nous, avant qu'une guerre éclate, les lumières de la salle s'éteignent.
Les petits rats de l'opéra défilent à vive allure et je me félicite de n'avoir jamais pratiqué ce sport. Quelle véritable plaie ces exercices de souplesse. Laissez-nous donc être des éléphants. Cependant Valentin a plutôt l'air d'apprécier, il a un sourire béat. Alice se gave de bonbons pour passer le temps quant à Maxime il ricane avec Hazael sur je ne sais quoi. Vraiment une équipe de bras cassés.
Au bout d'une trentaine de minute d'ennui, Samuel débarque sur scène. Cette fois-ci, tout le monde se réveille. Valentin applaudit si fort qu'il en perdrait ses mains, Hazael siffle, quelle andouille. De mieux en mieux dans les âneries. La musique classique retentit et Samuel enchaine ses pas avec une fille de son âge. Et honnêtement, il est parfait, assez étonnant. Son corps élancé se tend, ses muscles sont saillants. Je l'observe s'élancer vers la musique. Samuel a toujours eu une grande sensibilité et au lieu de la cacher comme le font beaucoup de garçons, il la montre. Il en est même fier. Samuel n'a peur de rien.
À la fin, nous nous levons tous en criant et sifflant comme si nos torses se déchiraient. Et, malgré les quelques mauvais regards que nous distinguons, on continue. Nous sifflons à la vie, à cet été qui touche sa fin. Comme un adieu. Alice hurle, Valentin crie, Maxime applaudit fort et moi, je finis à mon tour par acclamer Samuel. Mais pas seulement, nous savons tous, à cet instant précis, que cet été, si précieux, si vivant, prend fin.
Dimanche trente-et-un aout (le soir)
Il s'en est passé des choses ce mois-ci. Le temps s'effile mais pas les souvenirs. La fin d'un été indien, de promesses, de rires mais le commencement d'une nouvelle ère. Le temps d'une révolution.
Les gens pensent que la vie, il faut l'attraper à bout de bras. Mais à présent, je pense qu'elle se laisse juste vivre à coté de soi. Peut-être qu'il ne faut pas la mordre à coups de quenottes cette vie mais l'apprivoiser pour y apercevoir les vivants, ceux qui courent après le temps.
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Les poissons ne savent pas nager
Novela JuvenilEsther est sarcastique. Esther déteste le lycée. Esther hait le sport, les maths et les profs. Entre un père anarco-grognon, une mère complètement lunatique-intrusive, un frère surdoué et un beau-père collant, Esther écrit et parfois philosophe son...