Jeudi vingt-huit février
Assise à la cafétéria, Alice s'est presque mise à genoux devant moi. Valentin a paru amusé par la situation puisqu'il a souri.
- S'il te plaît donne lui. Je n'ai pas envie qu'il croit que je le suis tout le temps.
Je me serais crue en primaire. Mais je n'ai fait aucune remarque, après tout, Alice était tout bêtement amoureuse.
Et c'est ainsi que je me retrouve, les mains enfoncées dans mon ciré, adossée contre un mur, les yeux noirs à fixer la porte des vestiaires des garçons qui s'ouvrent à chacune de leurs sorties. Et je ne sais pas ce qui ne tourne pas rond chez eux mais ils hurlent théâtralement à chacun de leurs départs.
Je dois vraiment faire peur parce que la moitié des élèves sursautent à chaque fois qu'ils croisent mon regard. Je dois ressembler à un bulldog.
Maxime Dubois daigne enfin à sortir, ses cheveux trempés par la sueur et une serviette éponge autour de ses épaules. J'ignore son sourire moqueur face à ma dégaine et je lui tends avec une certaine distance son cahier de maths. Je tiens à mon espace. Il me fixe bizarrement avant que son sourire mister colgate s'affiche.
- C'est Alice, elle a eu un empêchement.
- D'accord. C'est cool qu'elle y ait pensé.
« C'est cool qu'elle y ait pensé », il se fiche de moi ou quoi ? En même temps elle ne pense qu'à toi depuis maintenant deux mois si ce n'est plus. Il a beau ne rien faire, ce mec m'énerve. Il me tape sur le système. Je crois que les sportifs et moi, ça fait deux. J'allais partir mais le nigaud m'interpelle, sa voix rouillée par la fatigue. Quelle idée en même temps de faire du sport.
- Tu me fais rire Esther.
Maxime Dubois est vraiment un abruti. Fronçant les sourcils, je hausse les épaules. Voilà que maintenant j'étais une comique. J'aurais définitivement tout entendu dans ce lycée. On m'aura tout fait. Son sourire est toujours collé au visage et je sais très bien pourquoi Alice l'adore. C'est vraiment un sourire piège à nana. Quel baratineur.
- Tu ne me connais pas mais je te fais rire?
- Oui, t'es drôle comme fille.
Si j'étais aussi drôle, je pense que je le saurais non ? Je crois que rien ne cloche chez ce garçon. Fou du ciboulot celui-là. Alors que j'allais partir, il finit de nouveau par faire résonner sa voix désagréable dans la cour extérieure.
- Alice parle beaucoup de toi. Tu es drôlement drôle Esther Ikov.
J'en étais sûre, Alice est derrière tout ça. Quand ce n'est pas Valentin, c'est Alice. Franchement, niveau amitié je touche le gros lot. Me tournant brusquement vers lui, mes quatre cheveux emmêlés sur le crâne claque contre mes joues, mes yeux noirs le fusillent :
- En parlant d'Alice. Je te préviens, si tu t'amuses avec elle, je t'arrache les yeux pour te les faire avaler.
Son rire enjoué retentit et d'un air agacé, je marche vers la sortie. Ce lycée me pollue sérieusement l'esprit.
- Alice a de la chance de t'avoir. J'aurais aimé avoir une pote comme toi.
Cette fois-ci, je me tourne vers lui mais il est déjà en direction des casiers et je ne suis pas du genre à hurler un prénom comme une dégénérée dans la cour. Je ne m'appelle pas Valentin. Un sourire se dessine finalement sur mes lèvres.
Maxime Dubois est drôlement bizarre.
Nom de dieu, où sont passés mes « figolulu » dans tout ça ? Il n'y en a plus aucune trace dans les placards.
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Les poissons ne savent pas nager
JugendliteraturEsther est sarcastique. Esther déteste le lycée. Esther hait le sport, les maths et les profs. Entre un père anarco-grognon, une mère complètement lunatique-intrusive, un frère surdoué et un beau-père collant, Esther écrit et parfois philosophe son...