Mars: Paire de chaussette et le gars à l'ouest

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Dimanche trois mars

- Il t'a dit qu'il portait une casquette quand il avait les cheveux gras ? Tu vois, tout est calculé chez lui. Tu pactises avec l'ennemi.

Mes chaussettes sont trouées. Couchée sur mon lit, je fixe le plafond, mon téléphone sur hautparleur. Valentin m'a appelé en début d'après-midi avec la ferme attention de tout savoir sur ce qu'il s'est passé avec Dubois. Ce matin c'était Alice. Elle s'est excusée au moins trois mille fois et elle m'a sorti d'une voix moqueuse « Et bien, tu vois. Tu t'es amusée. J'étais sûre que vous alliez bien vous entendre ! Je suis si contente ». Son enthousiasme m'a écœuré et je lui ai raccroché au nez. Son rire résonne encore dans ma tête. Et voilà que c'est à présent Valentin qui me tape sur le système. Ces deux-là croient que je suis devenu meilleure amie avec Dubois. Laissez-moi rire. Non mais plus sérieusement, soyons réaliste.

Heureusement que Dumbo ne m'a pas ramené jusqu'à chez moi comme avec Alice et de toute façon j'aurais refusé. Nous nous sommes juste dit aurevoir de la plus simple des façons, c'est-à-dire avec un signe de la main. C'est tout et c'est très bien comme ça. Il ne manquerait plus que l'on se fasse deux fois la bise en une après-midi. J'ai des limites. Et lui aussi.

Comme je l'ai dit, la bêtise c'est contagieux.

- Je ne pactise pas avec l'ennemi, et qu'est-ce que tu fais ? J'entends des bruits parasites. C'est insupportable.

Valentin ricane à travers le combiné. Les bruits cessent et c'est en soupirant de soulagement face à ce demi-silence que j'attends sa réponse. Qu'est-ce qu'il va encore me sortir ? Je me prépare à toute les possibilités possibles et inimaginables.

- J'ai décidé de commencer la guitare. Toutes les filles craquent pour les mecs qui jouent un instrument de musique. C'est statistiquement prouvé. Surtout la guitare, c'est bien connu. Avec ça, crois-moi qu'elles vont toutes se ruer vers moi. Je serais un Jim Morrison des temps modernes.

- Au revoir Valentin.

Je lui raccroche au nez. Je ne veux pas débattre sur sa nouvelle idée saugrenue. Et je ne veux pas savoir d'où viennent ces statistiques. Et surtout, vous voyez Valentin séduire une fille avec une guitare ?

Tout le monde est fêlé dans ce monde de fou.

Lundi quatre mars

Maintenant le coq sportif me fait la bise. Comme si nous étions de grands amis. Il m'a lancé un sourire amusé dans les couloirs et m'a interpellé devant ses amis. Croyez-moi, eux aussi ont eu du mal à encaisser la chose. Maxime s'est dirigé vers moi, son sac vissé sur ses épaules. Il s'est penché vers moi et a claqué deux bises sur mes joues poisseuses.

Nous étions tous sous le choc. Ses amis et moi-même. Je n'ai pas su quoi lui dire, ni comment réagir. Je lui ai quand même dit qu'il était cool. Non mais tuez-moi. Le garçon s'est sentit pousser des ailes, c'est sûr. J'ai finalement opté pour un :

- Tu t'es lavé les cheveux ce matin.

Je n'ai pas pu m'en empêcher. Maxime rigole de plus belle, passant une main sur ses cheveux parfaitement bien coiffés. Maintenant que nous avons la réponse, je peux savoir si Dubois a pris une douche ou non ce matin. Heureusement qu'il n'est pas susceptible, sinon je crois qu'il me détesterait vraiment. Mais vraiment beaucoup. Pour traîner avec moi, il faut vraiment avoir des nerfs d'acier.

La prochaine fois, si j'en ai l'occasion je lui demanderais combien de temps il passe sous le miroir. Les paris sont lancés. Une heure, deux heures voire plus ?

- Comme tu peux le voir.

Les bras ballants, mes grosses lunettes tombant sur le nez telle une grand-mère, je n'ai rien ajouté d'autre. Il s'est lavé ce matin. Voilà, c'est tout, merci et au revoir. Maxime toujours avec son grand sourire collé au visage, semble plus qu'amusé de la situation mais finit par couper court à son hilarité :

- Bon j'y vais, à plus Esther !

Et comme signe d'adieu, il agite sa main contre son crâne, son index et son majeur levé. Drôle de matinée pour moi. Bien évidemment, je lui ai juste lancé un rapide sourire avant de me diriger vers ma salle d'anglais. J'entends déjà Alice s'exclamer « Mais c'est génial ! Vous êtes amis ».

Nous ne sommes pas amis. Ce n'est pas parce qu'il m'a confié son secret de cheveux gras et de casquette, que nous nous sommes liés d'amitié. Il ne faut pas pousser le bouchon. Surtout que Dubois reste complètement taré du ciboulot.

Les poissons ne savent pas nagerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant