V.

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Point de vue de Adina.

Un sentiment compliqué m'animait depuis qu'Angèle était repartie. Pourtant elle m'avait demandé un nombre incalculable de fois si elle devait rester, si j'avais besoin d'elle. Et j'ai dis non.
J'étais seule dans mon appart', faisant tourner machinalement ma cuillère dans mon café. Qu'est ce que j'attendais vraiment j'en ai aucune idée, un message, un meurtre, ça revenait au même pour moi. J'ai pris mon téléphone et activé une playlist Deezer. N'importe laquelle je l'aurai écouté pareille, c'est à dire à peine, c'est à dire les yeux dans le vide.
Elle avait raison Angèle, me reprendre en main devenait nécessaire. Je me suis levée pour amener ma tasse de café jusqu'à l'évier tandis que la playlist jouait encore. J'ai décroché un sourire en entendant mon gros à travers le simple cellulaire, Drôle De Question.
J'ai chanté doucement avant de reprendre mon portable.

- Allo Elvis ? Ouais c'est moi ! Je viens d'entendre ta musique sur deezer et ça me fait réaliser que tu me manques sérieux. Ouais. Aujourd'hui ? Bah écoutes ma vie est pas pleine d'aventure hein. La Commune comme avant ? Bah niquel! Salut!

La grosse voix de Roméo m'avait manqué.
Je savais que lui n'aurait pas peur de me parler clairement d'Antoine, on le faisait beaucoup au tout début de la rupture, même si Roméo était juste messager de grosses insultes.
C'était un putain de pote, sincère et pas doux pour te faire la morale.
C'est lui qui nous avait emmenées à nos premières soirées avec Angèle, quand on faisait le mur et que c'était une victoire de gratter une demi clope. L'époque où j'habitais en Belgique. Ils m'ont sacrément manqué tout les deux quand je me suis retrouvée toute seule à Paname, mais ils venaient très souvent me voir.

La Commune c'était le bar où on est toujours allé, notre ptit havre de paix rempli de plantes et de potes.
Je me souviens y avoir amené Antoine deux trois fois.

À 14:30 j'ai décidé de me saper un minimum correctement. Il faisait beau et chaud dehors. J'ai commencé à fouiller dans mon armoire de fringues quand je suis tombé dessus. Le pull. Le hoodie rouge. Son hoodie rouge.
J'ai fait comme si je n'avais rien vu en prenant rapidement un jean large avec un haut en bandeau blanc. Si rapidement que j'aurai presque cru voir une bête sauvage et cruelle à la place du pull.
Je me suis douchée, habillée, un minimum apprêtée, puis après avoir simplement dressée ma veste en jean en équilibre sur mes épaules je suis sortie de l'appartement.
J'avais la chance d'avoir trouvé un appart' pour deux trois mois, pendant que les vieux qui y vivaient habituellement étaient partis faire un tour du monde.
Une fois qu'ils seraient revenus, je pensais repartir pour Bruxelles. Qu'est ce qu'il me restait ici, j'étais loin de mes amis que j'aimais plus que tout, et bien trop près de ce garçon qui me faisait tant de mal.

J'ai pris le métro, la chaleur avait amené tout le monde dehors et le métropolitain était bondé. Plus d'une fois j'ai cru voir Antoine, dans mon wagon, à un arrêt, un peu plus loin, très près. Je me suis dit que j'étais vraiment qu'une grosse conne.
Je suis arrivée à 15:10 à La Commune, Roméo était déjà assis à une table au soleil, sur son portable.
Dès qu'il m'a vue, il s'est empressé de se lever et de me prendre dans ses bras. J'étais si heureuse de l'avoir près de moi.

- Angèle m'a appelé tout à l'heure, tu vas bien ma petite ?
- Oui ça va et toi?
- Attends attends t'as vraiment cru que c'était une question comme ça ? Si tu vas bien je veux trois arguments avec des sous parties.
- Ahah, tu sais très bien que ça va pas.

Certes mon rire était un peu faux car j'angoissais a l'idée de lui parler.
J'essayais juste de ne pas le montrer. Je lui ai dis que c'était encore compliqué, que la plaie était encore assez fraîche et que j'avançais tant bien que mal même si c'était compliqué. Il m'a dit qu'il comprenait, puis des tas d'autres choses.

-...Tu sais je devrais peut être pas te le dire mais je veux que ça s'arrange entre vous. Il est dans le même état que toi, vous vous manquez comme des dingues alors jpense qu'il est temps de sortir de votre délire d'ados de 15ans et de vous parler.
- J'en sais trop rien, j'oserais même pas lui parler ça partirai en engueulade et ça arrangerait rien.
- Vous êtes juste des trouillards tout les deux putain. Il a même pas changé ton nom dans ses contacts ! C'est toujours Mon Amour... Il est même plus capable d'écrire deux lignes alors que Jeannine c'est l'album qui doit tout changer pour lui.
- Je sais très bien... Et attends il a laissé mon amour ? Sérieux?

Roméo a sourit, je pense que ça devait quand même l'amuser un peu de faire le pigeon voyageur.
Je ne savais pas quoi penser mais disons que j'étais plus calme, apaisée. La tristesse et la mélancolie avaient remplacé la colère continue.

- Tu devrais passer au studio, ça me ferait du bien d'enregistrer avec ma fausse soeur à côté. Pal il vient pas aujourd'hui.

J'ai un peu hésité. Revenir au studio où je passais des heures à regarder Antoine écrire, le bruit de son crayon qui virevoltait en tout sens, animé par les mots et les rimes.
Mais en même temps, si ça pouvait faire plaisir à Roméo...
J'ai sourit puis acquiescé de la tête.
En espérant que mon frère avait raison...

Le studio.
C'était un endroit sympa, chaleureux, ça des l'extérieur. Le soleil d'été tapait sur les grandes fenêtres, et la peinture grise n'avait pas prit une ride, rien n'était abîmé. C'était le vrai bébé de Lomepal.
En entrant nous entendîmes aussitôt une porte claquer.

- C'était Antoine, il sort toujours pas l'arrière maintenant.

J'ai hoché la tête. Bah putain, à 5secondes près je le voyais, là, en chair et en os.
Un frisson me parcourut des talons à la nuque.

- Il faut que je parle avec Max 10 minutes, tu peux rester là si tu veux crevette.
- Jvais faire ça.

Il m'a sourit avant de sortir de la pièce.
Je me suis assise dans le vieux canapé, devant la petite table basse. Ça m'a rappelé des tas de souvenirs, des tas de souvenirs que j'ose même plus raconter.
Face à moi il y avait un grand carnet noir. Je l'ai ouvert à la première page.

Nom du proget: Jeannine

Et merde. Le seul carnet sur lequel je devais tomber c'était celui d'Antoine. Il reviendrait ici quand il saura qu'il ne l'a plus !
Perdue pour perdue, j'ai continué de feuilleter le projet.

Des ratures. Beaucoup de ratures. C'était souvent ça quand il écrivait, jamais satisfait, pour un mot pour une rime pour un son. Un vrai gamin perfectionniste qui cherche 3jours le parfait adjectif pour décrire la douceur d'un cul ou d'une larme.
Je n'ai pu m'empêcher de sourire mélancoliquement en regardant Le Vrai Toi, qu'on avait écrit ensemble. Je reconnaissais les mots, ces lignes qu'on avaient écrites ensemble. Mais, après avoir relu avec attention, ce n'était plus pareil. Ce n'était plus « toi » mais « moi ». Les mots n'étaient plus les mêmes, l'amour n'était plus le même. Je ne la lisais plus avec le même désir, le même battement de cœur qu'avant. Ce n'était plus le début de l'amour pour une personne extraordinaire comme il aimait le dire. C'était juste la fin. Un bon gros doigt d'honneur dans ma gueule attristée.
Le passé l'emportait sur le présent, mes mots restaient seulement pour décrire l'impossible, tandis que les siens appelaient le rêve que je n'avais jamais exaucé à ses yeux.
Les « restes encore » me faisait mal, mal à en pleurer. C'était qu'une chanson, une putain de chanson qui tournerait bientôt sans doute. La trace indélébile.
Les larmes aux yeux, j'ai quitté le studio aussi rapidement que j'y étais rentrée.

Ils l'appellent PalpalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant