Ils l'appellent Palpal

XXIV.

FLASHBACK, 3ans auparavant
Point de vue Antoine.

Je sors mon portable de ma poche.
02:34.
Risqué pour sortir je sais.
Si ma mère me chope, les cinq prochaines années se résumeront à une chambre fermée à clef dès 21h.

Fallait que je prenne l'air.

Il faisait assez froid dehors, j'ai vite compris que mon pull était pas du tout suffisant.
Je suis descendu dans le petit parc près de chez moi, mais il était même pas éclairé.
J'ai voulu prendre le métro mais ça avait plus vraiment d'intérêt à cette heure çi.

Mon skate à bout de bras j'ai souris comme pas possible quand j'ai vu le skatepark désert se profiler dans l'ombre.

J'aimais tellement ce genre de moment.
Tout seul.
Moi et mon skate, la nuit et un tout petit peu de lumière.

- Mais putaaaain...

Je sursaute en pleine descente.
Merde, j'étais pas tout seul.
Je commence à grommeler, incapable d'être tranquille même en pleine nuit.

En me retournant, je distingue une lumière s'élevant assez haut pour éclairer une partie des immeubles autour d'elle.
Je m'avance le pas léger, au cas où je risquerai de me faire casser la gueule, ou pire.
Une petite voix ressort à mesure que je m'approche.

- C'est pas ça, c'est pas ça...

Je suis assez proche pour distinguer sa silhouette,même ses vêtements.
Un jean large et clair, une ceinture noire à la boucle imposante, et un col roulé noir étouffé sous une veste en jean si oversised qu'elle traînait un peu au sol.

Les yeux toujours sur l'écran lumineux, elle parle soudain d'une voix plus claire.

- Je te vois tu sais, ça sert à rien de faire comme si. Puis t'as rien à pouvoir me voler, j'ai que mon ordi rempli de maquettes de merde.

Cette voix, les cheveux qui semblent couler de son bonnet noir.
Je ne voyais pas son visage mais c'est comme si je la connaissais déjà.

- On se connaît non ?
- Oh putain voilà qu'il essaie de me draguer maintenant, malheureusement ça marche plus depuis 2008 ça.

Toujours sans qu'elle lève les yeux de son ordinateur, je me suis approché un peu plus.

- Tu comptes me poignarder ou t'es juste impressionnée qu'une nana dans mon genre ce soit toujours pas fait poignarder ?

Elle a abaissé son bonnet en entamant la bonne partie de ses sourcils, m'empêchant un peu plus de distinguer clairement son visage.
Je me suis assis à côté d'elle, en prenant le soin de poser mon skate entre nous deux.
Elle y jette un rapide coup d'œil avant de retourner à son écran.

- Sympa ton skate, avec les inscriptions au... Merde mais c'est Antoine !

Elle se retourne enfin vers moi, et je peux enfin voir son visage.
Sa peau encore matte malgré le froid, son nez et ses joues un peu rougies, elle n'a jamais été aussi mignonne qu'à cet instant.
Adina.
Depuis cette soirée il y'a pas si longtemps, j'étais incapable de la retrouver.
Et dire qu'elle était presque sous mes yeux.

Elle m'a regardé dans les yeux, l'air incrédule mais amusée de la situation.

- Qu'est- ce que tu fous là?
- C'est ça ta petite technique contre les pervers, la sincérité ?
- Ça à bien marché avec toi en tout cas.
- Tu m'as manqué.

Je détourne la tête, c'est sorti tout seul.
Elle lève les yeux au ciel, je sais qu'elle se retient de sourire.
Pourquoi j'ai dis ça ?
Quel con, elle va me prendre pour un timbré ou un mec trop collant.

J'ai envie de lui prendre la main.
Quelle idée de merde, ça va pas du tout arranger les choses.
Elle a prit mon skate entre ses doigts fins.

- Sacrément abîmé, tu dois être doué.
- J'aimerai bien passer pro.
- Ambitieux.

Elle le repose en effleurant ma main.
Je sens une sensation étrange au fond de mon ventre.

- C'est quel genre de maquettes dans ton ordinateur ?
- Rien d'important. Elle le détourne aussitôt de mes yeux.
- Qu'est-ce que tu caches sous ton bonnet alors ?
- Des tas de choses, mais tu dois garder le secret.

Elle s'attendait à une réponse mais j'étais trop occupé à la regarder, de ses grandes mains jusqu'à son front lisse.
Son visage n'était pas parfait, l'adjectif n'était même pas assez fort.
Une pureté que j'ai jamais sue décrire, alors qu'elle était si dure par son regard et ses expressions.

J'ai sentis à la façon dont elle grattait son jean que je la mettais mal à l'aise.
Pourtant, elle avait l'air habituée à ce qu'on la regarde, à être si séduisante.
Qu'est-ce qu'une fille comme elle faisait avec un type comme moi dans un skatepark au beau milieu de la nuit ?

- Qu'est-ce que tu veux Antoine ?

Qu'est-ce que je voulais ?
Impossible de le décrire.
Peut être que la fatigue me montait à la tête, oui, c'est sûrement pour ça que mes émotions étaient si fortes, mes sentiments si dérangés.

Il fallait que je réponde mais répondre quoi.
Je sais pas, je sais plus Adina, aucune idée. Je ne voulais pas gâcher ce moment en suspens, où n'importe quelle réponse pouvait encore se formuler.

- Appelle moi quand tu sauras Brice De Nice.

Adina s'est levée en prenant son ordinateur avec soin entre ses bras.
En se détournant de moi elle est partie vers la sortie.
Je me suis redressé aussitôt.
Pas la laisser partir.

- Brice de Nice il fait du surf, pas du skate. C'est tout ce que j'avais réussi à dire.
- C'est la même chose.
- Alors la je peux pas te laisser dire ça. Dis-je en accourant face à elle.
- Ah oui ? J'ai blessé le beach boy ?

Putain qu'elle était belle.
Sans réfléchir je laisses mes lèvres s'attirer aux siennes, je m'approche, de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle me ralentisse en chuchotant.

- Qui est-ce qui t'as autorisé à t'approcher comme ça Antoine Valentinelli ?
- Ta façon d'être, méprisante et horriblement agaçante.
- Waouh.
- C'est terriblement attirant.

Elle tient mon regard en plissant les yeux, pourtant je sens que les rougeurs sur ses joues ne sont pas dues qu'au froid.

Je m'approche encore un peu plus, et ma bouche effleure enfin la sienne.
Je l'embrasse, elle ne me repousse plus.
Au contraire, je laisses mes mains s'aventurer contre son cou et je la sens sourire contre mes lèvres.
Elle agrippe la poche de mon jean de la main pour m'attirer un peu plus contre elle.
Je ne vois plus le ciel, ni même ce filtre grisant qui se déposait chaque jour devant mes yeux.
Adina, c'est toi que je voyais, et depuis rien n'a plus été pareil.

J'ai espéré, j'ai espéré comme pas possible qu'elle reste encore longtemps tout contre moi.