XXVIII.

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Point de vue Lomepal.

- On dirait toi un peu regarde. Tu lui ressembles beaucoup. Le regard, la bouche...
- Tu crois?

Un serveur arrive et dépose nos verres de blancs sur la table.
En reposant le portrait je la regarde enfin, elle amène son verre à sa bouche mais l'écarte aussitôt de ses lèvres en reprenant :

- Tu as aussi son impulsivité, sa spontanéité, sa fantaisie... Tu as cette chance de pas être trop commun toi aussi.
- T'as le droit de dire que je suis aussi fou qu'elle.
- Il n'y a rien de péjoratif dans ce mot. Les gens te le font croire mais il n'y a aucun mal à ça. La folie est un don Antoine.

Elle porte enfin le breuvage à ses lèvres en souriant simplement.
Qu'est ce que c'est difficile de se construire sur des bases troubles.
Je baisse les yeux sur mon verre de blanc sec. C'est comme ma vision du monde, à travers jvois tout flou.

- Elle voyait beaucoup en toi.
- Pourtant moi je vois que du vide.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dises. Ça vient avec la maturité.
- Ça me terrifie de vieillir. Si ça se trouve ça viendra jamais. Il y a beaucoup trop de gens qui se fracassent le crâne dans ma tête.

Elle se fout de ma gueule sans retenue.
Pourtant j'ai jamais été aussi sincère.

- T'as peur de finir comme ta pauvre mère c'est ça. Elle rit en même temps.
- Je discerne pas encore bien le rêve de la réalité. Tu sais des fois je... Je me demande si je me suis déjà vraiment réveillé.
- Ça fait bientôt 15ans que t'es en pleine crise d'adolescence, tu m'étonnes que tu comprends pas tout là haut. Dit elle en tapotant son front du bout du doigt.

C'est ça alors que je suis sensé comprendre, que je suis un enfant.
Je n'oses pas répondre et le silence se durcit à mesure qu'elle vide son verre de blanc.

- Tu agis comme un adolescent à qui on donnerait les rennes d'un petit monde. Aucun adulte sensé n'invite une fille désorientée en vacances.
- ...
- Ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu d'enfant à la tête du monde...malheureusement.C'est peut être ton tour qui sait?

Je souris.
En même temps que j'attrape enfin mon verre de vin elle repose le sien, vide.

Adina n'était pas désorientée.
Elle n'était pas si différente d'une autre, elle était juste et simplement autre.
Impossible de l'encadrer.
Impossible de différencier la joie ou le malheur de l'ironie, cette constante ironie qui faisait d'elle un cauchemar sur pattes.

Je me souviens de ce soir, quand le froid dévorait mes doigts et la neige mes pieds.
On rentrait du cinéma, elle aimait les films d'horreur alors on avait regardé la première connerie qui passait.

Emmitouflée sous sa doudoune blanche elle ne laissait presque pas de traces sur le sol enneigé.
N'importe qui à sa place aurait juste l'air d'un chamallow aigri et voûté dans sa grosse veste, mais que voulez vous, elle restait sublime en tout point.

Je la suivais de près, essayant de mémoriser pas par pas le chemin qui me rendait chez elle.
Une chaleur émanait d'elle malgré ses airs si froids.
J'étouffais sous mon manteau, alors que mon cœur émettait des battements brûlants.

J'aurai aimé lui prendre la main, voir si elle brûlait de l'intérieur elle aussi.
Mais c'était pas le genre de fille à qui on prenait la main sans réfléchir.
Je voulais maîtriser chacun de mes gestes pourtant sa vue simple me troublait complètement.

Elle s'était retournée vers moi, puis s'était arrêtée.

Un pas de trop de ma part, si proches que je pouvais sentir son souffle contre ma poitrine, même à travers le manteau.

- Me ramènes pas.

Ses cheveux s'étaient assombris à cause du froid, pourtant ça ne lui apportait que des avantages. Je m'en rendais compte à cet instant précis, lorsque son regard sombre et piquant ressortait entre la pâleur de son visage et l'encadrement foncé de sa frange.

- Tu veux que je m'en ailles?

Pourvu qu'elle dise non, qu'elle me dise de rester, je me disais.

- Emmènes moi ailleurs. T'es rappeur non? C'est ton boulot d'emmener les groupies dans des lieux hypes.
- Tu me fais enfin l'honneur d'être ma groupie.

Je n'ai pas pu empêcher ce sourire béat de s'étaler sur mon visage.

- J'ai toujours préféré Nekfeu.

J'ai ri mais en comptant bien sur le petit goût amer que j'avais dans la bouche.
Déjà à l'époque je ne supportais pas qu'elle évoque d'autres mecs dans une conversation.
Surtout d'autres rappeurs.

Je l'avais emmenée dans une boîte pas si loin, c'était pas la meilleure adresse ni la meilleure soirée.
Au vestiaire elle s'est débarrassée de cette doudoune immense qui couvrait son corps mince et pourtant si onduleux, par ses hanches et sa poitrine.

Aux premiers instants je me suis senti si minable, ce n'est pas une fille qu'on emmène dans des lieux si communs, et pourtant...

Les mains vers le plafond et les cheveux détachés elle a reprit si vite les couleurs de son visage méditerranéen, au rythme des percussions saturées.
Ses déhanchés sensuels, presque « pas exprès » qui me rendaient tout chose, laissant pour quelques instants ma tête se dissoudre.

À mesure que ses mèches ondulaient sous le mouvement je la voyais ralentir, où peut être était-ce juste ce que mes pupilles exagérément dilatées tentaient de reproduire.

Ce tour de carrosse perpétuel s'est arrêté lorsqu'elle a saisit mon bras en me murmurant de la suivre jusqu'au bar.

Le barman lui a demandé plusieurs fois de répéter avant qu'il puisse conclure par:

- Un russe blanc , ok !

Alcool fort, impressionnant je me suis dit.
Elle s'est retournée vers moi en passant sa main sous sa chemise pour y effleurer sa poitrine, mon corps s'est tendu aussitôt.

Quand elle a déplacé ses cheveux sur le côté gauche j'ai compris qu'elle avait chaud.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Je sais pas, t'es belle.

Elle a soupiré en faisant rouler sa paille dans son verre d'alcool.

- C'est une tentative de drague ça ?

Si elle ne m'embrassait pas sur le champ je pensais imploser.
Faire vite, avant qu'elle reconnaisse l'excitation qui me montait à la tête.

- Ton petit esclavagisme sentimental ça va durer combien de temps ?
- J'en sais rien, peut être que ça me plaît. A-t-elle dit en s'approchant de moi.

Putain. Dans mon caleçon c'est plus chaud qu'au Népal, impossible de garder les pensées claires lorsque sa chemise fuyante descend le long de son bras, son épaule à nu.

- J'ai beaucoup de mal à t'attendre tu sais.
- Tu t'attends à quoi? A ce que je devienne Madame Pal? S'était-elle tenté à dire un peu plus bas, la sensualité toute aussi dévorante.
- Bon programme.

Embrasses moi putain, embrasses moi.

- Ça n'arrivera jamais. Elle chuchotait à mon oreille.

Tous mes sens mis en éveil, chauffés à blanc.
Mes respirations saccadées, plus rapides que la musique.
Je passais ma main sur sa nuque tandis qu'elle souriait.

- Elle est spéciale c'est ça ?
- Enivrante.

Maman sourit.
Je me laisses m'affaler sur la chaise en rotin.

Ils l'appellent PalpalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant