XIV

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Point de vue Adina
3ans auparavant

- T'as une clope ?
- Au premier rencard elle me taxe déjà une clope...
- Ah donc c'est un rencard ?
- Peut être bien.

Il a haussé les épaules.
J'ai regardé mes chaussures, puis mon jean, puis le hoodie rouge que je lui avait clairement jamais rendu.
Clairement, j'étais pas sapée pour un date.

Il m'avait juste dit à la dernière soirée « jfais du rap » j'ai dis « ah sympa, moi aussi jfais de la musique » et puis il m'avait répondu « viens me voir rapper, ça me donnera une occasion de te voir. puis, une autre fois je t'écouterai... faire de la musique, comme ça ça me donnera une autre occasion de te voir. »

Merde.
Bah ouais.
C'était clairement un date en fait.

- T'as l'air de te poser trop de questions là. Moi aussi en fait. Genre carrément.
- Pourquoi?
- Tu m'impressionnes un peu.

J'ai souris, il était doué.
Nous sommes arrivés devant un petit bar, l'extérieur recouvert de guirlandes et seulement quelques chaises et tables pour terrasse.

Il m'a dit qu'on avait une bonne dizaine de minutes d'avance.

En sortant sa clope de son paquet de malboro light qu'il sortait lui même de la poche de son jean, il m'a regardé plus insistement.
Il me l'a tendue.

-C'est pas ta cam ça j'me trompe ? T'as l'air plus d'une nana classe qui fume des vogue.
- Ça tue pareil de toutes façons. Puis, on peut être classe sans fumer des vogue.
- Avoues juste.
- Bon ok, jfume des vogue d'habitude.
- Oups, je l'ai touchée dans le coeur.

J'ai pris la cigarette et je l'ai allumée.
Lui, il a rangé le paquet.
J'étais étonnée qu'il n'en fume pas une, ça faisait presque mauvais genre de fumer toute seule.

- Pourquoi tu fumes toi?
- C'est la première fois qu'on me pose la question.
- Alors t'as qu'à répondre.
- Chacun sa merde, c'est tout.

C'était simple pourtant, j'avais commencé à fumer à cause des potes, puis ça c'est intensifié au divorce des parents, puis après j'ai juste pris conscience que dans ma vie il se passait rien.

- Moi j'ai commencé à fumer quand ma mère a commencé à laisser traîner les cendriers un peu partout.
- Pire du pire, les cigarettes sont pas réutilisables il te manque sûrement la moitié de tes neurones aujourd'hui.
- Drôle venant d'une fille qui a la clope au bec.

Ça m'a fait rire.
Je venais de remarquer qu'il portait une casquette, à l'envers en plus. C'était carrément ringard mais ça le distinguait un peu des autres.
Non.
En fait c'était vraiment ringard.

J'ai éteint ma clope et on est entrés dans le bar.

Il y avait pas beaucoup de monde, la lumière tamisée me forçait à plisser les yeux a mesure que nous avancions.
Antoine s'est arrêté, et s'est assis au bord d'une petite estrade.
Avec une précision quasi flippante, il a sorti et alligné tout son matériel en lignes, comme catégorisé. J'étais hallucinée venant d'un type comme lui.

- T'es qui toi? Le nouveau gigolo de service ?
- Jviens rapper.

Le serveur l'a dévisagé.
Il a posé deux pintes de bière sur la table la plus proche de la scène, puis il s'est approché.

- Toi, avec ta dégaine de skateur à deux balles, tu veux faire du rap.
- Ça a l'air de te poser un problème.
- Disons que le rap, le vrai, c'est pas un truc de ptit babtou en baggy.

Antoine s'est levé comme d'un bond.
Le type s'est avancé.

- Rends moi un service, reste à ta place de sous-merde.
- Tu veux que j'appelle le responsable peut être ?

Mon skateur n'hésitait même pas, droit comme un piquet, les poings serrés et tremblotants.

- Pourquoi t'assumes plus là hein ?
- Antoine.
- Pourquoi maintenant t'as besoin de te sentir protégé, dis moi ? Le babtou te fais flipper j'me trompe ?
- ANTOINE !

Tous les deux ce sont retournés face à moi pendant que la pression me montait à la tête.

- Tu ferais mieux de te casser.

**************************************

Assis devant la porte de mon immeuble, Antoine se roulait un joint paisiblement.
Il claquait vivement du pied.

Sympa comme premier rencard.

Je l'ai regardé. Il avait toujours les sourcils froncés et maintenant, il s'efforçait de faire fonctionner son briquet.

- Excuses moi pour ce soir. Jvoulais pas ça. Vraiment, t'es une fille cool.
- Une fille cool ? Ça veut dire quoi encore cette connerie ? Soupirai-je en tirant une latte de son joint à peine allumé.
- J'en sais rien. T'es pas le genre de fille que j'ai envie de baiser et remplacer le lendemain.
- Gentleman, épouses moi.

Il a rit tout en me regardant recracher la fumée toxique.
C'était la première fois que j'étais aussi cash avec quelqu'un, aussi moi en fait.
Je me prenais pas la tête, peu m'importait ce qu'on deviendrait, je fumais son joint sans me demander ce qu'il se sera passé une fois ce joint fini.
L'appréhension du début de soirée c'était évanouie, juste là, devant ma porte.

- T'es déjà tombée amoureuse ?
- Tu t'es déjà foutu la gueule dans un four chaud en aimant ça ?
- Tu parles pas vraiment de toi.
- Parce que y a rien à dire. Toi t'es déjà tombé amoureux ?
- Ouais. Mais jsuis jamais celui qu'il faut.
- Comment ca ?
- Les filles savent comme je les aimes, même si elles veulent pas de moi elles me gardent sous le bras parce qu'elles veulent... elles veulent se sentir aimées et avoir le pouvoir là dessus.

Il souriait mais je voyais l'air nostalgique dans ses yeux.

Je n'avais jamais été vraiment amoureuse.

C'était inutile à mes yeux.
Des milliards de personnes sur Terre, et on ne se dévoue qu'a une seule, on ne voit qu'une seule.
C'est déprimant.
J'avais eu quelques mecs oui, mais rien de bien dingue.

- Tu racontes ça quand tu rappes ?
- Ouais un peu. Mais les filles c'est un peu une faiblesse, jsuis au delà de ça. Mes textes ont beaucoup plus de sens que toutes ces déclarations d'amour de merde.

Ce mec était vraiment égocentrique.
C'était peut être pour cacher un manque de confiance en soi, pour m'impressionner.
Je détestais ça, mais là chose était presque belle sur lui.

- Jvais y aller.
- Ouais, tu ferais mieux d'arrêter cette soirée désastreuse ici.
- T'es pas commun du tout.Limite égocentrique sur les bords.
- Je sais que je peux passer pour un gros prétentieux. Mais évidement que jveux briller comme l'or, toute ma vie jsuis passé aussi invisible que l'air.

Ils l'appellent PalpalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant