Chapitre 5

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Les mots de Tomaze, si terrible aux oreilles des fils de la vampire, avait à peine eu le temps de se fuir ses lèvres, lorsque leur destinataires disparurent tous deux dans la nuit.

Dans la sinistre nuit assombrit par les colonnes de fumée noire s'élevant des braises de la charpente, quelques flammes ardentes dévoraient encore les ruines de la bastide et se reflétaient dans les iris bleutés d'Élias. Une larme ruissela sur sa joue, face à cet horrible spectacle. Il resta immobile face à ce paysage de désolation, face à ce champ de cendres qui remplaçaient de son charbon noir, le champ de lavande aux innombrables nuances de bleu et de violet, face à l'odeur de bruler qui emplissait l'air, à la place des douces senteurs des fleurs des bosquets.

— Comment une telle catastrophe a t'elle pu se produire en si peu de temps ? souffla-t-il sans pouvoir tourner son regard vers son frère. Comment avons-nous pu devenir orphelin et sans abris en une seule journée ?
— Je ne sais pas, je ne peux pas croire que ce que je vois est réel... répondit Théodore tout bas.

Celui-ci tentait de contenir ses émotions, il voulait rester fort pour son frère, mais à l'intérieur, le même anéantissement l'affectait.

— Maîtresse Éléonore s'est battue admirablement, mais cela n'a pas été suffisant, raconta Tomaze, en arrivant derrière les deux frères.

Théodore se tourna vers le serviteur et le fixa du regard.
— Je suppose que, désormais que tu es libéré de la servitude qui pesait sur toi, tu vas nous quitter, partir vivre librement ta vie, lui dit-il d'un ton grave.
— Oui, mais je ne voulais pas m'en aller avant de vous avoir informé de ce qu'il s'était passé, répondit-il.
— C'est très noble de ta part.

Théodore tendit sa main vers lui, mais lorsque Tomaze approcha la sienne pour la lui serrer, le fils d'Éléonore ferma ses doigts sur le poignet du jeune homme. De l'un de ses ongles, il entailla la paume du serviteur, il entailla la sienne également et serra la main de Tomaze.

— Par cette poignée de main, je scelle par le sang que désormais, tu fais partie de notre famille. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à nous le faire savoir.
— Merci, mais c'est un bien trop grand honneur, je ne suis pas sûr d'en être digne... dit-il tout bas.
— Maintenant va, tu as bien mérité l'éternité qui t'attend.

Tomaze s'inclina bien bas devant les deux frères vampires et disparut dans la nuit.

— La mort de notre mère te rend bien sentimental mon frère, lui lança Élias. Je sais que Tomaze s'occupe de nous depuis que nous sommes enfants, mais de là à l'intégrer à notre famille !
— Tu me connais si bien mon frère. Ce n'était qu'un prétexte pour pouvoir faire couler son sang. À présent, je pourrais le retrouver où qu'il soit.
— Et pourquoi voudrais-tu le retrouver ?
— Pour une raison que je préfère garder pour moi.
— Monsieur a ses secrets, souffla-t-il sans chercher à en savoir plus. Où allons-nous bien pouvoir vivre ?
— Je suis sûr que mademoiselle d'Avignon se fera une joie de nous recevoir. Elle a toujours été amoureuse de moi.
— C'était adorable lorsqu'elle avait vingt ans, mais maintenant qu'elle a en plus de soixante...

***

Les flammes rougeoyantes du feu de camp, caressait de leur douce chaleur, la peau caramel d'Olenne. Bérangère sortie de la large tente et vint s'installer au côté de son mari.

— Les enfants dorment, nous pouvons parler plus sérieusement à présent, annonça-t-elle.
— Pourquoi êtes-vous là ? demanda Lupus.
— Il y a deux siècles, j'ai laissé mon peuple uni et pacifiste. Mais lorsque je me suis réveillé, dix-sept ans plus tard, les miens s'était déchiré et nous étions tous condamnés à prendre la forme d'une bête à la nuit tombée. Depuis, nous avons réussi à résister à la lune, alors il est temps de réunir notre peuple. Je suis là pour vous demander de nous rejoindre !
— Vous... vous êtes la femme de la légende ? Celle qui s'est sacrifiée aux loups ! comprit-il les yeux grands écarquillés. Vous avez vraiment connu nos ancêtres alors.
— Oui, Lupus était le père de Caelessa...

L'homme acquiesça d'un signe de la tête.

— Caelessa est la première à s'être installé ici, avec son mari Tristan. Elle a nommé son fils en l'honneur de son père, celui-ci lui rendu hommage en nommant sa fille par son prénom et cette tradition est resté depuis.
— Comment avez-vous pu vous transformer cette après-midi, alors qu'il ne faisait pas nuit ? Depuis combien de temps pouvez-vous résister à la lune ?
— Tout ce que nous savons, c'est Caelessa qui l'a découvert et l'a transmis à ses descendants.
— Vous devez savoir que seul Lupus peut se transformer le jour, moi j'en suis incapable alors que c'est lui qui a fait de moi une louve. Et avant lui seule sa mère le pouvait.
— Oui, cela prend tout son sens, seul les descendants de Caelessa ont cette capacité. Elle n'était une simple nomade, c'était une bénie, elle pouvait communiquer avec la lune, alors même qu'elle était invisible aux yeux de tous. Il semblerait que cette capacité ait perduré après la malédiction. Vous devez revenir auprès des vôtres, nous aurons besoin de vous si nous sommes attaqué.
— Il est vrai que nous serions plus en sécurité dans un groupe, dit Bérangère à son mari. Isolé comme nous sommes, nous faisons des proies faciles pour les chasseurs.
— J'ai besoin d'y réfléchir, répondit Lupus.
— Prenez la nuit pour vous décider, fit Olenne.

Le couple prit congé de la chef des nomades et s'engouffra dans leur tente. Olenne installa sa couche sur le sol et s'endormit à la belle étoile.

***

Le brouhaha insupportable qui emplissait l'auberge, s'amenuisait lentement, à mesure que les voyageurs gagnaient leur chambres miteuses situées à l'étage, par les escaliers branlants et que les riverains retrouvaient leur chaumières précaires. Le regard d'Éléonore ne quittait pas l'homme, qui avait parlé un peu plus de ces sorcières si puissantes. La vampire détestait les semblables de Marcella, mais après tout, ce qu'une sorcière avait fait, une autre pouvait le défaire, du moins elle l'espérait.

Après avoir nourri les chevaux et les avoir installés dans l'écurie de l'auberge, Albéric entra dans l'auberge et vint s'asseoir face à Éléonore. Il approchait sa main du pichet de vin, lorsque Éléonore s'en saisit avant lui et se leva à la suite de l'homme qu'elle fixait depuis des heures. Elle le suivit dans le minuscule escalier qui menaçait de s'écrouler à chaque pas que l'on avait le malheur de poser sur ses marches et le regarda entrée dans une chambre.

René se défaisait de ses vêtements crasseux, à la lueur d'une chandelle, dans la petite chambre de l'auberge. Soudain, sa porte s'ouvrit en grinçant. L'homme empoigna vivement son petit couteau de poche et menaça l'intrus qui pénétrait dans la pièce de sa lame.

— Vous n'avez pas besoin de cela, lui fit Éléonore d'une voix grave, en posant le pichet de vin sur une commande.
— Pardonnez ma méfiance, je ne m'attendais pas à la visite d'une si belle femme, dit-il d'une voix qui se voulait séductrice.
— Vous me flatter, répondit-elle avec un léger sourire.

L'homme retira sa ceinture, laissa son pantalon tomber sur ses chevilles et s'allongea sur ses draps. Il invita la belle aux cheveux de feu, en secouant une petite bourse de cuir rempli de quelques pièces. Éléonore détacha la longue cape qui couvrait ses épaules et s'avança lentement vers le lit, avant d'y grimper à quatre pattes d'une grâce féline.

— Vous aimez dominer, lui souffla René, le regard animé par le désir.
— Vous n'avez pas idée à qu'elle point, susurra-t-elle à son oreille.

Éléonore s'assit sur les hanches de l'homme pour l'immobiliser et serra ses doigts autour de son cou.
— Que faites-vous, tenta-t-il crier, mais la voix étouffée par la pression qui s'exerçait sur sa gorge.
— Je t'ai entendu parler avec ton ami. Je veux savoir où trouver les sorcières dont tu as parlé ! chuchota-t-elle froidement.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler... commença-t-il, avant que les mains de la vampire ne se serre un peu plus autour de sa gorge. C'est bon, se reprit-il pour faire relâcher la pression. Elles vivent dans un village qui n'a pas de nom, à une pair de jour de cheval d'ici. J'ai une carte dans mon sac.

— Ce n'était pas si difficile, souffla-t-elle en le libérant de son étranglement.
— Je mérite bien une recompense pour cela, dit-il en caressant de ses doigts, les reins de la vampire.

Une expression de rage se peignit sur le visage d'Éléonore. Elle se saisit du petit couteau que René avait négligemment posé sur les draps et lui trancha la gorge d'un coup sec.

— Tu n'aurais pas dû faire cela, chuchota-t-elle froidement.

La vampire prit le pichet de vin, elle répandit son infecte contenu sur le sol et le plaça sous la gorge de l'homme pour le remplir de son délicieux sang brûlant.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant